Mais c’eût été ici par trop grondeur, et rien n’eût absous la bonne grâce du poëte d’aller riposter de la sorte à des désirs de reprise qui lui venaient au nom du jeune talent même que le public avait si vivement adopté. […] Sous l’Empire, il y avait cela de particulier : on pouvait faire des vers élégiaques, plus ou moins intimes, mais on les gardait, et en public, si on visait à la gloire, on ne donnait que des rimes grandioses sur des événements héroïques, sur des sujets qu’on s’appliquait à traiter. […] votre Académie a fait un fort bon choix, Le public avec vous a nommé cette fois. […] C’était alors l’âge d’or des publiques sympathies. […] L’affluence du public était la même, mais les dispositions étaient autres, et la pièce, convenablement écoutée, n’a pas manqué d’obtenir tout le succès auquel elle avait droit.
Et le nouveau, c’est la nouveauté extérieure, c’est la sensation nouvelle, l’apparence encore non rencontrée : ce public ne creuse pas, ne prolonge pas ses impressions par ses pensées : il ne voit pas au-delà de la forme particulière et sensible. […] Le public voulait du nouveau : quoi de plus simple, pour exciter son intérêt, et pour utiliser encore une part de ses émotions antérieures, que de lui présenter les pères ou les fils des héros qu’il aimait ? […] Ce qui en fait la vérité, c’est l’absolue égalité, l’identité plutôt de l’auteur et du public, l’impossibilité où est celui-là de penser hors et au-dessus de la sphère où celui-ci enferme ses pensées. […] Naturellement les scènes grotesques ou familières eurent plus de succès à mesure que le public devint plus populaire. […] L’art des jongleurs s’exerça surtout sur les places publiques, aux pèlerinages, aux foires.
Il y a des intérêts généraux et des sentiments publics, des intérêts privés et des passions personnelles : voilà les réalités qu’il aimait et sur lesquelles il opère. […] En outre, il sait le pouvoir de l’opinion ; il ne vaut rien d’avoir la conscience publique contre soi. […] Le sentiment patriotique, en son âme froide et pratique, devient l’idée du bien public, qui en contient trois autres : extension dans les justes limites, unité sous le pouvoir central, et bon gouvernement du royaume. […] Sans un mouvement de charité, par esprit d’ordre et respect de la richesse publique, il condamne les cruautés de la guerre, pillages, incendies, massacres134 : il réclame qu’on ménage le peuple, qu’on ne le foule pas. […] Il y a plus à dire : dès le xiiie siècle, la Chanson de Roland était condamnée à l’oubli, et les premiers coupables sont le remanieur qui fit et le public qui préféra Roncevaux.