Quand il a fait une chose ; il ne s’en repent pas, il ne le regrette jamais, et il est porté à s’en applaudir : « Je ne saurais assez me féliciter me disait-il un jour, du parti que j’ai pris… » Il s’agissait de ses études sur les auteurs de la Renaissance, dans lesquelles il se rendait compte à lui-même plus (qu’au public du résultat de ses nombreuses lectures, et il puisait évidemment sa satisfaction dans sa conscience plutôt que dans son succès. […] Le principe et le mérite du romantisme, selon sa définition familière et entre amis, est « d’administrer à un public la drogue juste qui lui fera plaisir dans un lieu et à un moment donnés » ; ce qui ne veut pas dire du tout que la drogue qui a réussi en un cas et dans un pays réussira également ailleurs. […] « Le mérite de Manzoni (en 1819) est d’avoir saisi la saveur de l’eau dont le public italien avait soif. » Usons du libre conseil pour la France.
Il en eut tant de honte qu’il se dénonça lui-même au général, offrant sa tête, en expiation, renvoyant sa croix de Saint-Louis et se condamnant à une humiliation publique pour le reste de ses jours. […] Mais il est beau que sa fortune fasse la fortune publique. » Et songeant moi-même à Villars, à Masséna, à ces grands hommes de guerre qui ont eu des vices, mais qui peuvent aussi montrer dans leur vie ces nobles pages, Rivoli, Essling et Zurich, ou bien Friedlingen, Hochstett et Denain, je dirai qu’il convient de leur appliquer les paroles de Périclès dans l’Éloge funèbre des guerriers morts pour Athènes : « A ceux qui ont de moins bonnes parties il est juste que la valeur déployée contre les ennemis de la patrie soit comptée en première ligne ; car le mal disparaît dans le bien, et ils ont été plus utiles en un seul jour par ce service public, qu’ils n’ont pu nuire dans toute leur vie parleurs inconvénients particuliers. » C’est la conclusion qui me paraît la plus digne pour ce chapitre d’histoire.
» Ceux qui sont si empressés à refuser aux hommes engagés dans la vie active et dans l’âpreté des luttes publiques la faculté de sentir et de souffrir n’ont pas lu Émile, où se rencontrent, au milieu d’une certaine exaltation de tête, tant de pensées justes, délicates ou amères nées du cœur : « A l’âge où les facultés sont usées, où une expérience stérile a détruit les plus douces illusions, l’homme, en société avec son égoïsme, peut rechercher l’isolement et s’y complaire ; mais, à vingt ans, les affections qu’il faut comprimer sont une fosse où l’on est enterré vivant. » « Cette proscription qui désole mon existence ne cessera entièrement que lorsque j’aurai des enfants que je vous devrai (il s’adresse à celle qu’il considère déjà comme sa compagne dans la vie) ; je le sens, j’ai besoin de recevoir le nom de père pour oublier que le nom de fils ne me fut jamais donné. » Émile parle de source et, quand il le pourrait, il n’a à s’inspirer d’aucun auteur ancien ; la tradition, je l’ai dit, ne le surcharge pas ; elle commence pour lui à Jean-Jacques, et guère au-delà : c’est assez dans le cas présent. […] Enfin au lendemain de février 1848, après la proclamation de la République, un projet de députation ayant été formé dans les Écoles pour aller rendre un hommage public à la mémoire d’Armand Carrel sur sa tombe, M. de Girardin déclara qu’il y serait des premiers et se joindrait au cortège, ce qu’il ne manqua pas de faire. […] L’essentiel, en tout début, est de mordre sur le public ; si vous y atteignez, le plus fort est fait.