Henri Becque par le public. […] Cette consultation, le public ne la prend que de lui-même. […] Car pour le public, ce n’est pas la question. […] Mais le public n’est pas une foule. […] Mounet en frémit d’enthousiasme, et le public ne laisse pas d’en frémir de plaisir.
Être homme de lettres, — entendons-nous bien, l’être dans le vrai sens du mot, avec amour, dignité, avec bonheur de produire, avec respect des maîtres, accueil pour la jeunesse et liaison avec les égaux ; arriver aux honneurs de sa profession, c’est-à-dire à l’Institut ; avoir un nom, une réputation ainsi fixée et établie, c’était alors une grande chose : il y avait, et parmi les auteurs et dans le public, comme un sentiment de religion littéraire. […] Daru, ceux que j’ai montrés rassemblés autour de lui, et qui étaient proprement de son cercle, avaient sur Fontanes un avantage : ils étaient productifs et assez féconds, ils payaient de leur personne ; leurs œuvres inégales laissaient à désirer, mais elles occupaient et intéressaient le public à leur moment. […] La susceptibilité filiale n’est pas la moins fréquente de ces formes de la vanité humaine, et c’est la plus spécieuse… Mais qu’est-ce que cela fait au public ?
Certes je prise et goûte fort le joli récit traduit par Courier : il est net, proportionné, piquant, épigrammatique ; mais les additions d’Apulée ne me déplaisent pas tant ; elles m’apprennent bien des choses sur les mœurs tant publiques que privées, sur la police des villes dans les provinces, sur les travers éternels et les maladies de l’esprit humain : « Ce sont des tableaux de pure imagination, où néanmoins chaque trait est d’après nature, des fables vraies dans les détails, qui non seulement divertissent par la grâce de l’invention et la naïveté du langage, mais instruisent en même temps par les remarques qu’on y fait et les réflexions qui en naissent. » Tout cet éloge (sauf le point de la naïveté du langage), que Courier donne à son Lucius, je l’accorde à plus forte raison et je l’étends à notre Lucius latin, à notre Apulée, pour ses additions nombreuses ; lu à côté, le premier Lucius me paraît, je l’avoue, un peu sec. […] Il ne tarde pas à engager l’affaire qui marche vivement ; et ici se trouvent des scènes d’amour telles que les Anciens osaient les peindre ; les savants et les critiques érudits modernes qui ont à en parler font d’ordinaire les dégoûtés en public, et ils s’en donnent à lèche-doigt dans le cabinet. […] Au réveil, le lendemain, et se croyant tout de bon homicide, il se voit recherché en effet, mené en cérémonie sur la place publique, solennellement accusé par une espèce d’avocat général qui fait un réquisitoire dans les règles : la parodie est parfaite.