Roederer, que nous avons vu mourir le 17 décembre 1835, plein de vigueur encore à l’âge de quatre-vingt-deux ans, était né à Metz, le 15 février 1754, d’un père avocat, nous dit-il, « distingué au barreau comme profond jurisconsulte, dans la magistrature comme ennemi du pouvoir arbitraire, et dans la société comme homme aimable ». […] Destiné par son père à être avocat, il résistait et se sentait contre cette profession si honorée une aversion profonde. […] Dès le 28 mai 1793, jour où l’insurrection contre eux commençait à gronder, il renonça à toute participation au Journal de Paris, c’était assez marquer sa ligne ; et, après leur mort, il s’ensevelit dans une retraite profonde.
Notre bivouac repose dans une obscurité profonde. […] Seul, au milieu du silence profond, un vent doux qui venait du Nord-Ouest et nous amenait lentement un orage, formait de légers murmures autour des joncs du marais. […] Il commence par bien poser son cadre : il est à l’une de ses dernières haltes, sur le plateau nu du D’jelfa ; la journée s’achève, il est environ cinq heures du soir ; sa tente est tournée au midi, à ce midi encore voilé vers lequel il aspire ; il est seul, ses compagnons absents ou endormis ; il savoure un vent tiède qui souffle faiblement du Sud-Est ; pour toute vue, il a une moitié de l’horizon, bornée d’un côté par un grand bordj ou maison solitaire, et de l’autre par un groupe de chameaux bruns, qui se dessine sur une ligne de terrains pâles ; tout est repos, tranquillité, paix profonde : « S’il arrive qu’un ramier passe au-dessus de ma tête, dit-il, je vois son ombre glisser sur le terrain, tant ce terrain est uni !
Puis de là elle revint au théâtre de Rouen, où elle joua seulement les jeunes premières, toujours très accueillie et goûtée du public ; mais elle ne chantait plus : « À vingt ans, dit-elle, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer ; mais la musique roulait dans ma tête malade, et une mesure toujours égale arrangeait mes idées, à l’insu de ma réflexion. » La musique commençait à tourner en elle à la poésie ; les larmes lui tombèrent dans la voix, et c’est ainsi qu’un matin l’élégie vint à éclore d’elle-même sur ses lèvres. […] Sa première carrière dramatique de vingt années ne put manquer toutefois de laisser en elle des impressions profondes, ineffaçables : en y aiguisant sa sensibilité, en y exerçant sur tant de sujets sa vive intelligence, elle y avait acquis une faculté douloureuse qui tenait à cette délicatesse même ; elle en avait gardé comme un pli d’humilité. […] « Que je regrette de lui avoir si peu marqué, de son vivant, cette profonde et unique sympathie69 !