Voltaire, ce prince des moqueurs, écrivait dans son Dictionnaire philosophique 110 ces lignes de généreuse inspiration : Si un animal sentant et pensant dans Sirius est né d’un père et d’une mère tendres qui aient été occupés de son bonheur, il leur doit autant d’amour et de soins que nous en devons ici à nos parents. […] Jusque dans les premières années du seizième siècle, la conscience des rois, des princes, des hommes politiques est d’une souplesse infinie.
Cette favorite, bientôt disgraciée par le monarque, pour cause d’algarades trop fréquentes, avait, elle-même, pour mère une marchande à la toilette qui l’a livrée à ce roi, alors prince royal, jusqu’alors « timide et même un peu farouche », comme l’Hippolyte de Racine, et que l’on avait envoyé à Paris pour l’apprivoiser à l’amour. […] Le prince, devenu roi, adorait sa fille, mais il mourut subitement, sans avoir eu le temps de lui assurer une fortune.
Ainsi tous les hommes commencent par les mêmes infirmités : dans le progrès de leur âge, leurs années se poussent les unes les autres, comme les flots ; leur vie roule et descend sans cesse à la mort par sa pesanteur naturelle ; et enfin, après avoir fait comme des fleuves un peu plus de bruit, et traversé un peu plus de pays les uns que les autres, ils vont tous se confondre dans ce gouffre infini du néant, où on ne trouve plus ni rois, ni princes, ni capitaines, ni tous ces noms qui nous séparent les uns des autres, mais la corruption et les vers, la cendre et la pourriture qui nous égalent. » C’est ainsi, c’est avec un semblable regard mélancolique et vaste, que souvent, à l’occasion d’une prouesse vulgaire et d’un nom sans souvenir, le poëte thébain suscite une émotion profonde par quelque leçon sévère sur la faiblesse de l’homme et les jeux accablants du sort. […] Cet esprit dorien va même dans Pindare jusqu’à consacrer par ses éloges des princes, que la liberté grecque nommait des tyrans.