Nous avons regretté pourtant de trouver au premier rang des détracteurs un prélat, homme d’esprit, autrefois bien connu dans la capitale, dans la rue du Bac et aux environs, non point pour ses sermons ni précisément par sa grande éloquence, mais pour l’onction, la modération et la morale de ses prônes ou instructions familières, l’abbé Le Courtier. […] Les traductions du grec, celles d’Homère en particulier, plus loin celles de Pindare et de Sophocle, y sont de première main fidèles dans la lettre et dans l’esprit, également loin du parti pris d’étrangeté et de la fausse politesse. […] elles commencent, dans ces études qui ont fait l’occupation de toute notre vie, par où nous-mêmes à grand’peine nous finissons ; elles ont pour leur point de départ le résultat dernier des plus doctes recherches ; elles sont au courant, et mieux qu’au courant, dès leur première année, de ce qui a tant coûté aux autres à gagner et à conquérir !
Ainsi, je passerai vite sur les cent vingt premières pages de Mademoiselle Jaufre 4, où nous sont contés (avec art, je le sais, et parfois avec poésie) l’idylle des amours enfantines de Louiset et de Camille dans le grand parc abandonné, puis le départ de Louiset, puis l’adolescence paresseuse, inerte, solitaire de la belle Camille chez son père le docteur Jaufre. […] Comment, en cédant à l’officier brun, elle obéit à une volonté plus forte que la sienne ; comment cette première aventure et son cruel abandon éveillent en elle, par la douleur, la faculté d’aimer ; comment sa faute même la jette dans les bras de Louiset comme dans son refuge naturel ; comment le courage lui manque pour le détromper, justement parce qu’elle l’aime ; comment le ressouvenir même de sa souillure exaspère cet amour ; sa honte, ses terreurs, ses souffrances, son désespoir en sentant approcher l’instant inévitable où éclatera sa trahison… M. […] Je voudrais abréger les quatre-vingts premières pages, celles où l’auteur nous fait connaître son héros, son caractère indécis et fier, son ennui, son désespoir, sa tentative de suicide… Ce sont là choses connues et qu’il était peu utile de répéter.
Le poète de Mirèio est un André Chénier, mais c’est un André Chénier gigantesque qui ne tiendrait pas dans les Quadri où tient le génie du premier. […] Quelques pièces dispersées çà et là, tantôt de belles imitations virgiliennes, tantôt des peintures directement inspirées de la nature provençale, furent ses premiers essais… Personne, disions-nous, ne regrette plus que lui la mollesse d’idées et de style qui a été si fatale au génie de ses aïeux. […] S’il nous était permis de nous citer nous-même, nous rappellerions quel pronostic nous avait inspiré dès 1852 la vigueur de ces premières ébauches.