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2119. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Casaubon, né à Genève de parents français réfugiés, y professait le grec depuis l’âge de vingt-trois ans ; il était gendre de Henri Estienne, et sa femme, la plus féconde des mères, lui donnait chaque année un enfant ; il y avait quatorze ans déjà qu’il enseignait, et il s’était fait connaître au dehors par des ouvrages de première qualité en leur genre, notamment par ses travaux sur Strabon, sur Théophraste, lorsque le président de Thou eut l’idée, sur sa réputation, et l’estimant le premier des critiques, de l’attirer en France et de le rendre à sa patrie : après les ravages des guerres civiles, les études y étaient comme détruites, et l’on avait bien besoin d’un tel restaurateur des belles-lettres. […] Quelle belle conquête, en effet, ce serait à opposer aux hérétiques que celle du premier des doctes parmi eux, de l’illustre Casaubon ! […] Il se trouve du premier jour, à cette Cour de Henri IV, placé entre l’enclume et le marteau, comme on dit ; entre du Perron qui le convie, qui le presse, qui le travaille, et le ministre Du Moulin qui le chapitre, qui le remonte et le semonce.

2120. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Sa première et sa plus chère idée, dès qu’elle le vit en âge, fut de penser à l’éloigner de ses États héréditaires et à le reléguer au loin sur un trône, elle devant continuer de régner et de gouverner par elle-même ou par ses ministres favoris. […] Comme premier signe d’émancipation, le jeune duc se montra assez détaché de la duchesse son épouse, et il ne se refusait pas les distractions ou même les liaisons déclarées. […] On le voit plus tard, généralissime de notre armée, se battre au premier rang comme soldat et nous trahir au même moment comme général, en communiquant nos plans à l’ennemi.

2121. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

M. de Rémusat, en parlant de Mme de Gasparin48, a été surtout frappé de voir combien ses ouvrages différaient de ses origines, et combien le talent de l’auteur ressemblait peu à ses opinions, à ses croyances premières, toutes calvinistes et genevoises. […] Les dames de la bande, des protestantes bien entendu, se sont hasardées après quelque hésitation à sonner à la porte du couvent ; elles se présentent comme pour faire des emplettes (on sait que les religieuses occupent leurs loisirs à mille petits travaux et à des objets de dévotion qui se vendent au profit de la communauté ou au profit des pauvres) : on fait monter les dames au premier étage. […] C’est pour la langue comme une fille de Racine et du premier Lamartine.

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