Ce sera assez pour nous de causer librement de Boileau avec nos lecteurs, de l’étudier dans son intimité, de l’envisager en détail selon notre point de vue et les idées de notre siècle, passant tour à tour de l’homme à l’auteur, du bourgeois d’Auteuil au poëte de Louis le Grand, n’éludant pas à la rencontre les graves questions d’art et de style, les éclaircissant peut-être quelquefois sans prétendre jamais les résoudre. […] Assurément, La Fontaine était bien humble de préférer ces vers laborieusement élégants de Boileau à tous les autres ; à ce prix, les siens propres, si francs et si naïfs d’expression, n’eussent guère rien valu. « Croiriez-vous, dit encore Boileau dans la même lettre en parlant de sa dixième Épître, croiriez-vous qu’un des endroits où tous ceux à qui je l’ai récitée se récrient le plus, c’est un endroit qui ne dit autre chose sinon qu’aujourd’hui que j’ai cinquante-sept ans, je ne dois plus prétendre à l’approbation publique ? […] Que si maintenant on nous oppose qu’il n’était pas besoin de tant de détours pour énoncer sur Boileau une opinion si peu neuve et que bien des gens partagent au fond, nous rappellerons qu’en tout ceci nous n’avons prétendu rien inventer ; que nous avons seulement voulu rafraîchir en notre esprit les idées que le nom de Boileau réveille, remettre ce célèbre personnage en place, dans son siècle, avec ses mérites et ses imperfections, et revoir sans préjugés, de près à la fois et à distance, le correct, l’élégant, l’ingénieux rédacteur d’un code poétique abrogé.
* * * On pourrait déduire cette théorie que je ne prétends pas inventer de toutes pièces3 : L’allégorie, comme le symbole, exprime l’abstrait par le concret. […] Mais on ne peut dire qu’il gagne à ce procédé ; qu’on relise à propos des pages précédentes et de celles qui vont suivre ce poème, les Lavandières, où la philosophie de l’histoire prétend se mêler au lyrisme. […] C’est que la fin de cette tirade prétend alors achever ou expliquer ce qu’on avait déjà compris.
Toutefois, comme il est vrai de dire qu’un système incomplet, pourvu qu’on n’y tienne pas d’une façon étroite, vaut mieux que l’absence de système, il serait peut-être désirable que, sans prétendre faire une œuvre définitivement scientifique, on esquissât, d’après l’état actuel des études sanscrites, une sorte de manuel ou d’introduction à cette littérature. […] Les historiens du XVIIe siècle, qui ont prétendu écrire et se faire lire, Mézerai, Velly, Daniel, sont aujourd’hui parfaitement délaissés, tandis que les travaux de du Cange, de Baluze, de Duchesne et des bénédictins, qui n’ont prétendu que recueillir des matériaux, sont aujourd’hui aussi frais que le jour où ils parurent.