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757. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Antoine Campaux, homme de cœur et d’imagination, qui s’est épris du poète, qui l’a de bonne heure lu, relu, imité peut-être dans des vers de jeunesse et pour ses parties avouables59 ; qui l’aime comme un fils indulgent et innocent, avocat désintéressé d’un père prodigue, et qui, concentrant sur lui toute l’affection et l’érudition dont il est capable, a résumé, poussé à fond et comme épuisé les recherches à son sujet. […] Il aura même poussé l’amitié, en partant le matin, jusqu’à accepter tout l’argent, toutes les épargnes de son généreux hôte, trop heureux de se dépouiller et de se mettre à la gêne pour le poète, comme il le nommait par excellence.

758. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Sans doute le biographe tire un peu à lui et pousse le plus haut qu’il peut dans l’ordre des poètes son cher Pontus ; mais il n’y a pas à cela grand mal ; si le goût d’abord s’étonne et souffre d’un peu d’excès dans la louange, les choses ensuite se rétablissent aisément, et l’on y a gagné, au total, de mieux connaître son vieil auteur. — L’étude de M.  […] Olivier de Magny, qui a je ne sais quel motif qu’on ne s’explique pas de le narguer, et qui y est peut-être tout simplement poussé par une fatuité ou un libertinage de poète, signifie très nettement au bonhomme qu’il connaît mieux sa femme que lui, et qu’il n’est pas le seul ainsi favorisé : Et toujours, en toute saison, Puisses-tu voir en ta maison Maint et maint brave capitaine, Que sa beauté chez toi amène, Et toujours, Sire Aymon, y voir Maint et maint homme de savoir !

759. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

La tige a donné avec le temps tous ses jets et poussé tous ses nœuds successifs : elle a bien son port à elle, son unité, son attitude, sa couronne et son luxe de feuillage, ses fleurs éblouissantes, d’un pourpre ou d’un blanc de neige éclatant, ses fruits d’or de forme étrange, élégante, de saveur amère, et dont les plus voisins du tronc sont légèrement empoisonnés. […] Printemps au dehors, jeunesse au dedans, soleil sur le gazon, sourire sur les lèvres, neige de fleurs à tous les buissons, blanches illusions épanouies dans nos âmes, pudique rougeur sur nos joues et sur l’églantine, poésie chantant dans notre cœur, oiseaux cachés gazouillant dans les arbres, lumière, roucoulements, parfums, mille rumeurs confuses, le cœur qui bat, l’eau qui remue un caillou, un brin d’herbe ou une pensée qui pousse, une goutte d’eau qui roule au long d’un calice, une larme qui déborde au long d’une paupière, un soupir d’amour, un bruissement de feuille… — quelles soirées nous avons passées là à nous promener à pas lents, si près du bord que souvent nous marchions un pied dans l’eau et l’autre sur terre !

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