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943. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

… » Je pourrais vivre avec l’idée Qu’elle est chérie et possédée Non par moi, mais selon mon cœur. […] Il faut assurément vénérer les poètes qu’on dit inspirés, enthéoi, qui ne se possèdent plus, qui sont possédés par un dieu. […] Ce don, il est vrai, n’est déjà pas très fréquent chez les hommes (encore y a-t-il une bonne douzaine d’écrivains qui l’ont possédé de notre temps) ; mais il est si rare chez les femmes que celle qui par hasard en est pourvue peut être citée comme une surprenante exception. […] C’est d’abord la clarté du dessein, l’unité du plan, la correction de la forme, la décence (et j’avoue que, si une œuvre peut valoir encore quelque chose sans ces qualités, elle vaut mieux quand elle les possède). […] Zola ; que c’est l’auteur du Nabab qui part de l’observation de la réalité et qui est comme possédé par elle, tandis que l’auteur de l’Assommoir ne la consulte que lorsque son siège est fait, et sommairement et avec des idées préconçues.

944. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Un jour, ne pouvant la posséder, le prince l’étrangle, et accuse Tchâroudatta du meurtre. […] Lorsque, son cocher ayant refusé de tuer Vasantasena, il se décide à l’étrangler lui-même, à l’étrangler « lentement », ses discours ont une étrange saveur, et la monstrueuse vérité en paraît profonde : « C’est maintenant que je te posséderai, la belle aux dents blanches ! […] Moi je te possède comme on ne t’a jamais possédée. […] Et, les choses ayant ainsi suivi leur cours normal, dix mois après, sans qu’aucune, convenance s’y oppose et, à ce qu’il croit, sans qu’aucun scrupule l’inquiète, épouser publiquement Eliane, Eliane dont il est aimé, la posséder… Ô joie ! […] Il possède, à un degré éminent, le talent de « conter » ; il a quelque chose de la tranquillité et de la lucidité d’Alain Lesage.

945. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Ils voient par lui ; ils lisent dans ses yeux, dans son accent et dans ses écrits les visions qui le possèdent ; il est pour eux comme un miroir où ils contemplent le monde surnaturel réfléchi. […] Il établira que « Dieu n’a pas dû entreprendre l’ouvrage le plus parfait qui fût possible, mais seulement le plus parfait qui pût être produit par les voies les plus sages ou les plus divines, de sorte que tout autre ouvrage produit par toute autre voie ne puisse manifester plus exactement les perfections que Dieu possède et se glorifie de posséder ». […] On ne se l’explique point, sinon par la toute-puissance de l’idée ; l’homme en est possédé et marche en avant, sans faire attention aux ronces qui le blessent. […] Il était ignorant, obstiné, imaginatif, il fut possédé d’une grande idée ; à force de la répéter aux autres, il se persuada lui-même et ne distingua plus le mensonge de la vérité. […] Il commença par convertir ses frères, son père et sa mère ; avec cinq fidèles il institua son Église, le 6 avril 1830 ; le même mois il fit un miracle, ayant chassé le démon du corps d’un possédé.

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