Son portrait à mes yeux, c’est un médaillon à double face, à double effigie, le conventionnel d’une part, le préfet de l’autre, des deux côtés un profil net, taillé dans le bronze, sans bavure. […] Bref, il convient de lire tout ce vivant et fin portrait, à côté duquel celui que j’ai tracé ne peut plus guère paraître qu’un ensemble de pièces à l’appui.
En attendant, pour consoler ses regards, elle s’est fait apporter ce qu’elle appelle this dear picture, un médaillon contenant le portrait de Buzot en miniature que, par une sorte de superstition, dit-elle, elle n’avait point voulu mettre d’abord dans sa prison : « Mais pourquoi se refuser cette douce image, faible et précieux dédommagement de la privation de l’objet ? […] Pour le moment, elle se plaît à lui faire de la vie qu’elle mène en ce triste lieu une description reposée et presque attrayante : on l’y voit à merveille, dans cette cellule assez large à peine pour souffrir une chaise à côté du lit, devant la petite table où elle lit, écrit ou dessine, avec le portrait de son ami sous ses yeux ou sur son sein, pour tout ornement de son réduit ayant un bouquet de fleurs que Bosc lui fait envoyer chaque matin du Jardin des Plantes : c’est un joli coin de tableau, que j’appellerais flamand s’il n’était si net et si clair de tout point ; le clair-obscur n’est point le fait de Mme Roland.
Ce qui y donne quelque prix, c’est la description de la Cour de son père Auguste et le portrait peu flatté des ministres, mais surtout la digression sur la tragique aventure de Kœnigsmark, son oncle, le frère de sa mère. […] Lui qu’on a appelé d’Argenson la bête, il continue le portrait en refusant au comte de Saxe l’esprit : « Il a peu d’esprit, dit-il, il n’aime que la guerre, le mécanisme12, et les beautés faciles.