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693. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Conduit au premier étage par un domestique babillard, Eckermann est introduit dans une pièce qui a pour inscription, au-dessus de la porte, le mot Salve, présage d’un cordial accueil, et de là dans une autre pièce un peu plus grande. […] On n’a guère à s’inquiéter de savoir comment on se tiendra au niveau et au courant : pour peu que vous soyez en vue, tout vous arrive, vous envahit, force la consigne, entre par la porte, par la fenêtre. […] Au contraire, si le poëte porte chaque jour sa pensée sur le présent, s’il traite immédiatement, et quand l’impression est toute fraîche, le sujet qui est venu s’offrir à lui, alors ce qu’il fera sera toujours bon, et si par hasard il n’a pas réussi, il n’y a rien de perdu. » Et Gœthe se mit à citer des exemples de poëtes allemands contemporains qui se sont attelés à un grand ouvrage et qui, sauf quelques beaux endroits, ont manqué d’haleine et de force pour l’ensemble.

694. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Incontinent qu’ils sont entrés, barrent leur porte, serrent les fenêtres, mangent salement sans compagnie, la maison mal en ordre ; se couchent en chapon, le morceau au bec. […] quelqu’un de ses favoris à lui-même et des courtisans de Louise, quelque Olivier de Magny peut-être : « Celui qui ne tâche à complaire à personne, quelque perfection qu’il ait, n’en a non plus de plaisir que celui qui porte une fleur dedans sa manche ; mais celui qui désire plaire, incessamment pense à son fait, mire et remire la chose aimée, suit les vertus qu’il voit lui être agréables, et s’adonne aux complexions contraires à soi-même, comme celui qui porte le bouquet en main, donne certain jugement de quelle fleur vient l’odeur et senteur qui plus lui est agréable. » En un mot, qui aime, s’applique et s’évertue.

695. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

« Celle qui s’est ri si dédaigneusement de toute la Grèce, celle qui avait à sa porte un essaim de jeunes amants, Laïs consacre son miroir à Vénus ; car, me voir telle que je suis, je ne le veux pas ; et me voir telle que j’étais, je ne le puis. » Et comme l’a traduit heureusement Voltaire, mais en y mettant un peu plus d’esprit : Je le donne à Vénus puisqu’elle est toujours belle, Il redouble trop mes ennuis. […] Tout d’abord ce sont deux musiciennes, Mélo et Satyra, qui dédient et consacrent les instruments de leur art aux Muses : « Mélo et Satyra, arrivées à un grand âge, filles d’Antigénide, les dociles des servantes des Muses (ont fait ces offrandes) : Mélo consacre aux Muses de Pimplée ces flûtes que la lèvre rapide effleure ; et l’étui en buis qui les renferme ; Satyra, amie des amours, consacre cette syrinx dont elle-même a réuni les tuyaux avec de la cire, douce flûte, nocturne compagne des buveurs, avec laquelle après toute une nuit elle a vu bien souvent se lever l’aurore battant la mesure aux portes des cours et des maisons4. » Ces deux demoiselles étaient des musiciennes un peu ambulantes qu’on louait, surtout la seconde, pour des sérénades. […] Le dernier vers de cette épigramme, me fait-il remarquer, est très corrompu ; le sens probable est : « Chantant aux jeunes gens pendant qu’ils assiègent et enfoncent les portes des belles). » 5.

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