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489. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

À cette date la vie littéraire de Chateaubriand est finie : sa vie politique va commencer647. […] Il méprisait l’orléanisme, ses princes, sa politique, ses appuis : égoïsme partout et matérialisme. […] Il a eu de grandes prétentions au génie politique : si l’on doit en rabattre, il me paraît pourtant qu’il n’a pas été plus médiocre que bien des hommes d’État de la Restauration, dont le mérite politique est plus illustre parce qu’ils n’en avaient pas d’autre. […] Si, malgré ses prétentions, il n’a pas eu un rôle politique de premier ordre, la faute en est à son caractère et à son esthétique, qui l’ont écarté du pouvoir. […] Si l’on prend Chateaubriand hors de sa vie politique, hors des Mémoires d’outre-tombe, dans ses œuvres de création littéraire seulement, à peine le soupçonnera-t-on spirituel, et moins encore, peut-être, intelligent.

490. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Quel avantage n’aurait pas politique qui aurait cherché dans toute la suite de notre histoire quelle a été, dans les choses de la politique, l’habitude et comme le naturel de notre pays, et qui pourrait au besoin en appeler à la France séculaire des entraînements et des erreurs de la France du jour ? […] Notre royauté était à demi espagnole triste époque où, en expiation d’une mauvaise politique, l’emphase castillane et le faux bel esprit de l’école de Gongora ont gâté tous les écrits de la fin du seizième siècle et du commencement du dix-septième. […] Je veux bien n’y pas voir un privilège ; mais si ce caractère n’est propre qu’à elle, et si d’ailleurs il n’a pas empêché que, depuis trois siècles, l’Europe politique et savante n’ait appris le français, il faut bien n’y pas voir une marque d’infériorité. […] Dans ces deux pays, le public se prête à cette incertitude de la langue : en Angleterre, parce que la littérature est la seule chose qui n’y soit pas une affaire ; en Allemagne parce que le manque d’activité politique y rend la curiosité littéraire insatiable. […] Née de notre unité territoriale et politique, en même temps qu’elle en est le lien le plus puissant, elle nous assure la seule universalité qui ne dépende pas du sort des armes, et qui soit acceptée sans combat.

491. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Le vicomte de La Rochefoucauld, dans sa confiance, était incurable : après juillet 1830, il s’adressa encore à son voisin de campagne, au sujet d’une brochure politique dirigée contre Louis-Philippe, leur ennemi commun. […] M. de Latouche hésita, rejeta l’idée d’abord, et finit quelque temps après par la reprendre et par l’envelopper dans ce qu’il appelait une composition politique : J’en ai mis quelque chose dans une composition politique, oui, politique ! […] M. de Latouche ne s’est jamais plus trompé que lorsqu’il a cru que le public assemblé supporterait durant cinq actes une donnée érotique, servant de véhicule à une intention politique hostile. […] Après 1830, M. de Latouche ne sut point s’arrêter ni se modérer : la violence de son humeur et son irritabilité littéraire, transportée dans la politique, l’entraînèrent au-delà, on peut l’affirmer, de ses opinions véritables. […] Il prit part sourdement par des romans politiques, par des préfaces ambiguës, et jusque dans des élégies, à toutes les animosités des dix-huit années.

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