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471. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

J’ignore si la pièce qui m’a fait plaisir est susceptible d’être représentée à la scène ; je suis très-peu juge de la différence qui existe entre un drame fait pour rester écrit et un drame jouable ; un spectacle dans un fauteuil me suffît très-bien, à défaut d’autre : je m’attacherai donc ici simplement à un ouvrage d’esprit qui porte avec lui son caractère de distinction aisée et qui a un cachet moderne. Le sujet traité par M. d’Alton-Shée n’est autre que celui du séducteur marié, ou plutôt de l’homme à bonnes fortunes et du libertin marié (car le mot de séducteur a une acception un peu plus particulière) ; un tel sujet, sous un de ses aspects ou sous un autre, n’a pu manquer de venir plus d’une fois à la pensée des auteurs dramatiques, et l’on pourait dresser, en effet, une assez longue liste de pièces dont les titres sont plus ou moins dans ce sens. […] La pièce commence au moment où le nouveau comte Herman est bien près de redevenir le duc Pompée : il est en coquetterie suivie, sans trop s’en rendre compte, avec une cousine de sa femme, Emma de Lansfeld, fiancée du baron Fritz, lui-même le propre frère de sa femme, et de la sorte, c’est avec sa prochaine belle-sœur qu’il est tout près de nouer intrigue. […] Ce que j’aime surtout dans cette pièce dont le canevas est un peu artificiel et romanesque comme la plupart des canevas dramatiques, c’est que la sève moderne y circule et qu’on a bien affaire à des personnages de notre temps qui ont vécu et qui vivent. […] Au milieu des vérités d’observation et d’expérience dont cette pièce est semée et qui sont exprimées d’une touche ferme et sans prétention, il y a donc, contrairement à plus d’un exemple à la mode, une veine de sentiment et de bonne nature ; il s’y rencontre à tout instant, à travers les faiblesses, de bonnes fibres en jeu.

472. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon aime à dire la vérité ; il croit la dire, il la cherche et se donne toutes les peines du monde pour la trouver ; mais ses informations peuvent l’abuser, sa passion l’emporte, son feu de coloriste s’en mêle : de là des excès de pinceau et des erreurs matérielles comme en contiennent nécessairement tous les Mémoires qui ne sont pas faits sur pièces et qui s’écrivent d’après des impressions ou sur des on dit. […] Deux petites pièces de canon de l’ennemi tiraient sans cesse. M. de Turenne, à cheval, au petit galop, gagnait le long d’un fond, afin d’être à couvert de ces deux petites pièces ; en chemin il aperçut Saint-Hilaire sur la hauteur et alla à lui. […] Le maréchal jeta quelques pièces d’argent au peuple. […] Lorsqu’en vertu d’un don obtenu du roi Charles X par le marquis, depuis duc de Saint-Simon, les Mémoires furent, pour ainsi dire, arrachés volume par volume du Dépôt des Affaires étrangères où ils étaient jalousement conservés, les lettres et pièces attenant aux Mémoires, mais qui n’étaient point formellement comprises dans le don royal, furent retenues.

473. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Dans une pièce de lui à M. […] Bref, les papillotes, les chansons, attirent dans la boutique un petit ruisseau si argentin, qu’en son ardeur poétique Jasmin met en pièces le fauteuil redouté où tous ses pères se sont fait porter à l’hôpital ; lui, au lieu de l’hôpital, il est allé chez un notaire, et finalement, le premier de sa famille, il a vu son nom briller sur la liste du collecteur. […] Distinguons pourtant, en cet ordre de pièces, un très-beau chant intitulé les Oiseaux voyageurs, ou les Polonais en France, qui respire le pathétique, et qui atteint au sublime dans sa simplicité. Jasmin a adressé, en 1832, une pièce de vers français à Béranger, son patron naturel en notre littérature ; ces vers faciles et corrects, mais communs, prouveraient, s’il en était besoin, que le français est pour Jasmin une langue acquise, et que la couleur, l’image, la pensée, lui viennent en patois. […] Dans une jolie pièce de vers, adressée à un riche agriculteur de Toulouse qui lui donnait ce conseil, il réfute agréablement les raisons flatteuses par un tableau de ses goûts et de ses simples espérances : « Dans ma ville, où chacun travaille, laissez-moi donc comme je suis ; chaque été, plus content qu’un roi, je glane ma petite provision d’hiver, et après je chante comme un pinson, à l’ombre d’un peuplier ou d’un frêne, trop heureux de devenir cheveux blancs dans le pays qui m’a vu naître.

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