Il en a célébré l’objet dans des pièces adorables, sous le nom de Fanny9. Mais, suivant moi, la plus belle (s’il fallait choisir), la plus complète des pièces d’André Chénier, est celle qu’il composa vers ce temps, et qui commence par cette strophe : Ô Versailles, ô bois, ô portiques ! […] Tel est, dans cette admirable pièce, l’ordre et la suite des idées, dont chacune revêt tour à tour son expression la plus propre, l’expression hardie à la fois, savante et naïve. […] J’ai depuis longtemps entre les mains (et je me reproche de n’en avoir pas fait usage jusqu’ici) une pièce singulière et hideuse dont je dois communication à l’amitié de M. […] Je donne cette pièce fidèlement transcrite, avec toutes ses turpitudes de sens et d’orthographe, avec tous les signes de bêtise et de barbarie.
Il nous dit : ces ouvriers, la plupart très intelligents dans leur partie, lâchant des gains de 10 francs par jour, pour gagner de quoi manger, dans les cabarets borgnes de la rue Basse, une soupe à l’oignon de quatre sous ; — séduits, affolés, ces hommes, par cette vie incidentée du théâtre, cette camaraderie entre hommes et femmes, ce potinage des coulisses, et l’intérêt fiévreux aux chutes et aux succès des pièces représentées, et l’électrisation par les bravos du public. […] * * * — Ce soir, à la répétition d’une pièce, sur un petit théâtre du boulevard, une pièce pleine de femmes. […] Et dans cette pièce remplie de portraits de famille, le germe d’une mauvaise action était mal à l’aise. […] Tenez, il y a un monsieur qui m’envoie de Batignolles, presque tous les quinze jours, une pièce de vers, en l’honneur du chantre de Lisette, on voit que c’est chez lui une idée fixe… Ce sont des veines et des déveines comme cela en France…. […] Eh bien, au bout de trois ans, j’aurai à peu près gagné ce que rapporte une pièce de théâtre, qui ne réussit pas. » Puis, après un silence : « Ah !
Le petit-fils du philosophe Jules Lachelier, François Lachelier, mort à dix-neuf ans au champ d’honneur, écrit à sa mère, au matin même du jour où il va être tué (le 8 juillet 1916) : Les gens de ma pièce… matois, finauds, rouspéteurs, frondeurs, toujours prêts à se plaindre de la soupe ou de la guerre ou des officiers, mais au fond bons cœurs et qui savent supporter en blaguant les pires fatigues et se tirer des cas les plus difficiles. Si tu voyais avec quelle ingéniosité ils ont su arranger les abris, disposer les pièces ! Il y avait rivalité entre les pièces, à qui ferait les plates-formes les plus horizontales et les circulaires les plus rondes, tous prenant des airs détachés et blasés, mais au fond jubilant dès qu’un compliment est adressé à la pièce, quand le tir est bon, juste et précis. […] C’est là qu’on pourrait employer la fameuse expression d’ouvrier conscient et organisé ; chaque soldat est bien une pièce consciente de la grande machine, et, dans une abnégation totale de lui-même, consent à n’être qu’un rouage mû par une volonté étrangère. C’est la gloire de notre époque d’avoir pu amener tant de millions de gens à se sacrifier complètement à une idée et, pour elle, à se soumettre à l’esclavage le plus rude et le plus exclusif qui soit ; mais la vraie liberté consiste à se soumettre et à se résigner à ce que l’on a jugé inévitable, et à consentir à n’être qu’une pièce du mécanisme dont on aurait pu être l’ingénieur… (Lettre communiquée.)