Que de fois la force d’esprit qui doit tenir toutes ces pièces rangées ne fléchit-elle point ? […] N’est-ce pas le pays où tel qui a assisté sans émotion visible à la représentation d’une pièce de théâtre rit tout à coup, à quelques jours de là, d’un trait comique, ou s’attendrit au souvenir d’un trait de sentiment, laissé par le poëte dans la pénombre, et que le spectateur a emporté chez lui, pour en jouir par une sorte de rumination ? […] Plus d’images et quelle perte pour un pays où il s’en trouve jusque dans des ouvrages d’anatomie, jusque dans des pièces judiciaires !
Sieyès nous apparaît sous sa première forme, tel qu’il sera plus tard et jusqu’à la fin, tout d’une pièce quant à la pensée, voulant la liaison exacte, rigoureuse, le parfait enchaînement et l’ordre un dans tous les objets de chaque science, et même dans la somme totale de nos connaissances : « Sans cela, dit-il, on n’a que des cerveaux décousus dont les connaissances ne tiennent à rien : ils ne savent rien, quoiqu’il y ait beaucoup dans leur mémoire, et ne sont d’aucun usage. » Rien n’égale son mépris pour ces cerveaux décousus qui constituent malheureusement l’immense majorité des hommes, et même des hommes distingués. Il les compare à des pièces de musique qui manquent de l’unité de mélodie : « Les gens de lettres ressemblent trop à la musique sans unité. » Pour lui, dans toute cette première partie de sa vie, et quand on le surprend comme je l’ai pu faire, grâce à cette masse de témoignages de sa main, dans l’intimité de sa méditation et de son intelligence, on le reconnaît et on le salue tout d’abord (indépendamment de ses erreurs) un grand harmoniste social, un esprit qui a sincèrement le désir d’améliorer l’humanité et d’en perfectionner le régime ; qui a en lui, sinon l’amour qui tient à l’âme et aux entrailles, du moins le haut et sévère enthousiasme qui brille au front de l’artiste philosophe pour la grande architecture politique et morale. […] Ces calomnies sont réfutées par les pièces mêmes de la comptabilité officielle : elles le sont mieux encore par les Mémoires de Napoléon, qui reconnaît à la fois le faible de l’homme et son fonds d’intégrité ; il y est dit : « Il aimait l’argent, mais il était d’une probité sévère, ce qui plaisait fort à Napoléon ; c’était la qualité première qu’il estimait dans un homme public. » Il fut, en 1832, assez malade de la grippe pour que sa tête s’en ressentît.
Il avance un pied nu sous une botte qui n’avait guère que le dessus, et saisissant la pièce d’or avec l’orteil, il reste jusqu’au matin, sans le ramasser, de peur d’être soupçonné. […] Et le soir, qui était le jour de la première de Marion Delorme, cet ami modèle, amené au théâtre, faillit faire tomber la pièce. […] Et d’abord une grande pièce éclairée par le jour morne d’une cour, et, tout autour, dans des poses affaissées et pleurantes, les hardes de la morte, hardes de femmes, hardes de reines ; les sorties de bal de satin blanc et les robes d’Athalie, tous les chiffons-reliques de ce corps, tous les costumes de cette gloire, accrochés en grappes, comme aux murs d’une Morgue, avec un aspect d’enveloppes fantomatiques et de vêtements ondoyants et radieux de rêves, immobilisés et morts au premier rayon du jour.