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622. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Selon lui, si les hommes pris en détail dans leur conduite et leur caractère diffèrent entre eux, les siècles pris dans leur ensemble ne diffèrent pas moins les uns des autres ; la plupart des hommes qui y vivent, qui y sont plongés et qui en respirent l’air général, y contractent certaines habitudes, certaine trempe ou teinte à laquelle échappent seuls quelques philosophes, gens plus propres à la contemplation qu’à l’action et à critiquer le monde qu’à le corriger : Il serait à souhaiter cependant que dans chaque siècle il y eût des observateurs désintéressés des manières de faire de leur temps, de leurs changements et de leurs causes ; car on aurait par la une expérience de tous les siècles, dont les hommes d’un esprit supérieur pourraient profiter. […] et n’est-ce pas le cas d’appliquer ici le mot de Vauvenargues : « La plus fausse de toutes les philosophies est celle qui, sous prétexte d’affranchir les hommes des embarras des passions, leur conseille l’oisiveté, l’abandon et l’oubli d’eux-mêmes. » La Fare nous explique d’ailleurs qu’il ne s’agit point d’une paix sobre et recueillie comme l’entendraient certains philosophes ; la sienne était remplie de gaieté, de gros jeu, de festins, de beautés d’opéra, et ne ressemblait pas mal à une ode bachique continuelle. […] Je sais qu’il y a eu de mauvaises langues jusque dans l’Antiquité qui ont médit de cet enthousiasme du philosophe pour Hermias, mais je ne m’attache ici qu’au souffle et à l’âme de sa poésie.

623. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

. —— Les Philosophes français du xixe  siècle 43. […] Nous aurons à le suivre dans son Essai sur Tite-Live et dans son livre sur les philosophes modernes. […] Taine ne craint pas de forcer ses idées en les promulguant : « Selon la coutume des novateurs, a-t-il dit de l’historien philosophe Niebuhr, il pousse la vérité jusqu’à l’erreur : exagérer est la loi et le malheur de l’esprit de l’homme : il faut dépasser le but pour l’atteindre.

624. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Quoi qu’il en soit, en croyant un tel jour possible, Béranger se distinguait de tous les philosophes qui ne le sont que dans le cabinet et qui n’en sortent pas ; il allait infiniment plus loin qu’Horace et même que Montaigne, qui veulent bien de cette philosophie pratique pour eux et pour leurs intimes, mais qui ne visent guère au-delà. […] Je crois plutôt que, nous autres, qui venons au monde pour écrire, grands ou petits, philosophes ou chansonniers, nous naissons avec une écritoire dans la cervelle. […] Écrivez, écrivez… » C’est, sous une autre forme, le conseil que se donnait également Nicole, et la recette qu’il avait trouvée pour se délivrer l’esprit quand il était obsédé de pensées qui lui ôtaient le sommeil : il se hâtait de les jeter sur le papier ; — et Gœthe, le grand poëte, disait aussi, dans une bien vivante image ; « Mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles. » Un autre jour, lisant avec admiration les trois volumes de Philosophie de Lamennais, et l’en louant à son tour et même à outrance, Béranger fait cependant une réserve sur un point bien important ; c’est à propos de l’espèce d’analyse que le philosophe a essayé de donner de l’idée de Dieu : « Je me suis toujours élevé vers Dieu, lui dit Béranger, autant que mes ailes fangeuses me l’ont permis, mais toujours les yeux fermés, me contentant de dire : “Oh !

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