« M. de Buffon fait plus de cas de Milton que de Newton, a dit Mme Necker ; Milton, selon lui, avait l’esprit beaucoup plus étendu, et il est plus difficile de réunir des idées qui intéressent tous les hommes que d’en trouver une qui explique les phénomènes de la nature. » En interprétant et en réduisant comme il convient ce souvenir noté de Mme Necker, et sans croire qu’il pût y avoir au monde un mortel que Buffon plaçât au-dessus de Newton, dont il avait le portrait gravé pour unique ornement de son cabinet d’étude, j’en conclurai seulement qu’il y avait dans le génie de Buffon des combinaisons et des tableaux du genre de ceux de Milton et qui demandaient à sortir.
Il a saisi et rendu ces détails de société avec la curiosité du physicien qui observerait le phénomène de la rosée ou celui de la cristallisation, ou comme le Genevois Huber observait les abeilles ; un Français n’aurait pas eu l’idée de considérer ni de décrire de la sorte les choses de son propre monde.
Cependant, à moins de l’avoir sans cesse présente à la mémoire, on risque de n’entrevoir qu’obscurément ou même de ne pouvoir en aucune façon comprendre l’économie entière de la nature, avec tous ses phénomènes de distribution, de rareté, d’abondance, d’extinction et de variation.