Depuis que la nation juive s’était prise avec une sorte de désespoir à réfléchir sur sa destinée, l’imagination du peuple s’était reportée avec beaucoup de complaisance vers les anciens prophètes. Or, de tous les personnages du passé, dont le souvenir venait comme les songes d’une nuit troublée réveiller et agiter le peuple, le plus grand était Élie. […] Quiconque aspirait à une grande action sur le peuple devait imiter Élie, et comme la vie solitaire avait été le trait essentiel de ce prophète, on s’habitua à envisager « l’homme de Dieu » comme un ermite. […] La vie anachorétique, si opposée à l’esprit de l’ancien peuple juif, et avec laquelle les vœux dans le genre de ceux des Nazirs et des Réchabites n’avaient aucun rapport, faisait de toutes parts invasion en Judée. […] Le peuple le tenait pour un prophète 295, et plusieurs s’imaginaient que c’était Élie ressuscité 296.
L’histoire des peuples éloignés de nous à des distances considérables, & sous un ciel différent du nôtre, nous transporte dans un monde où tout est nouveau à nos yeux. […] Il ne vit néanmoins qu’une partie de l’Europe ; mais l’étude des langues, & le soin qu’il prit de s’informer avec exactitude des mœurs & des coutumes des différens peuples, le rendirent peut-être plus habile dans la connoissance des pays étrangers, que s’il y eût voyagé lui-même. […] On ne fait pas moins de cas de la rélation d’un voyage du Levant, fait par ordre du Roi, contenant l’histoire ancienne & moderne de plusieurs isles de l’Archipel, de Constantinople, des Côtes de la mer noire, de l’Arménie, de la Georgie, des frontieres de Perse & de l’Asie mineure ; avec les plans des villes & des lieux considérables, le génie, les mœurs, le commerce & la religion des différens peuples qui les habitent & l’explication des médailles & des monumens antiques, enrichie des descriptions & des figures d’un grand nombre de plantes rares, de divers animaux : & plusieurs observations touchant l’histoire naturelle, par le célébre Tournefort, en deux vol. […] Je placerai encore dans cet article les Voyages d’un Philosophe, ou Observations sur les mœurs & les arts des peuples de l’Afrique, de l’Asie & de l’Amérique : brochure in-12. qui parut en 1768. […] Le parallèle des anciens peuples avec les Amériquains suppose une grande connoissance de l’antiquité ; mais il est plus ingénieux que sensé ; & s’il y a dans ce livre beaucoup de choses intéressantes, il y a aussi un grand nombre d’idées fausses.
L’école américaine prétend tirer tout du peuple et de l’élection directe. […] Mais à la fin le peuple revient au vrai. » Oui, au vrai en tout ce qui le touche directement comme intérêt. […] Mais en rayant toute une histoire de rois, on ne raye pas aussi aisément un caractère de peuple. Et comment le La Fayette de 89 à 91, le général de la force armée à Paris, le La Fayette des insurrections qu’il contenait à peine, des faubourgs qu’il ne commandait qu’en les conduisant, comment ce La Fayette n’a-t-il pas senti sous lui et au poitrail de son cheval le même peuple orageux et mobile, héroïque et.. mille autres choses à la fois, peuple de la Ligue et de la Fronde, peuple de l’entrée de Henri IV et de l’entrée de Louis XVI, peuple des Trois Jours, je le sais, mais aussi de bien des jours assez dissemblables, j’ose le croire ? Or ce peuple-là de Paris n’était lui-même qu’une des variétés de la grande nation.