Pour des raisons politiques, dogmatiques ou d’intérêt personnel le directeur de la publication où essaierait d’écrire Sainte-Beuve, attenterait plus d’une fois à la liberté de sa pensée. […] À nous de dégager son coefficient personnel et, connaissant cette constante, de rectifier ses jugements. […] Critiques improvisés, en effet, dont l’impressionnisme dogmatique ne s’appuie sur aucune expérience personnelle. […] Demandez à tel classeur de fiches qui tient la férule dans tel grand journal sur quelles œuvres personnelles il appuie son « permis de conduire » et de critiquer ? […] (Sainte-Beuve n’est pas un grand critique, très instruit et curieux, mais trop mesquin, personnel, myope — borné en critique comme il fut mesuré en poésie.
L’émotion esthétique d’un spectacle représenté, se distinguera de l’émotion d’un spectacle réel perçu, et à plus forte raison de l’émotion résultant d’un spectacle auquel il prend une part personnelle […] Au contraire, dans l’émotion réelle, ces images ont toute l’intensité que leur donne la certitude de leur réalité, et, dans le cas d’une participation personnelle, la certitude qu’elles vont passer à l’état de sensation. […] On pourra prétendre que l’analyste devant constater les effets émotionnels de l’œuvre qu’il examine, et ces effets étant extrêmement variables selon les goûts, il sera obligé, sinon de porter positivement un jugement littéraire, du moins d’introduire dans ses constatations un élément personnel, par le fait même qu’il admettra que telle ou telle œuvre a produit tel ou tel effet. […] L’analyste est un individu ; son avis sur les émotions provoquées par une œuvre et sur les moyens auxquels il faut les attribuer, sera un avis personnel, l’avis d’un homme ayant telle ou telle sensibilité, telle éducation. […] Que l’on considère encore que toutes les sciences sont soumises à l’influence perturbatrice de l’évaluation personnelle.
Naissance de la poésie personnelle. — 2. […] Elle tient au lyrisme par des rythmes et un mouvement de chansons : elle s’imprègne fortement, de satire, tantôt personnelle comme dans les ïambes des anciens Grecs, tantôt sociale ou politique, comme dans les comédies d’Aristophane, et tantôt purement morale, comme dans les satires d’Horace ou de Juvénal. […] Malgré cette pièce et d’autres de même ordre, on pourrait désigner toute cette poésie d’origine bourgeoise sous un nom qui, en la distinguant de la poésie lyrique, marquerait bien le rapport qui les unit l’une à l’autre : on pourrait l’appeler poésie personnelle. […] Il a trouvé le lyrisme à sa vraie source : l’émotion personnelle et profonde.