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522. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

C’est aux Sagas, et à l’Edda de Sœmund, que Wagner a emprunté, on le voit, la trame de la Goetterdaemmerung : il n’a pris au Nibelungen-not que les noms des personnages, et la scène de la mort de Siegfried, celle-là même qui le frappa au début. […] Si géniale est la transformation des épisodes, plus admirable encore est celle des personnages : quel chemin n’y a-t-il pas de l’Odin scandinave au Wotan de la Tétralogie, du Sigurd des légendes au Siegfried de Wagner, et, surtout de la Walkyrie ancienne à cette sublime Brunnhilde, émue de la détresse humaine, qui se dévoue, se sacrifie, et affirme, sur les ruines d’un monde, la Rédemption par l’Amour ! […] Vaucorbeil, directeur de l’Opéra de Paris, s’y révéla d’une façon très remarquable dans le personnage d’Elsa, à côté de madame Derasse, chargée du rôle d’Ortrude. […] Parlant de la première scène du premier acte de Goettterdaemmerung : « Ces trois personnages, dit madame Fuchs, ont un entretien aussi long que dénué d’intérêt. » Des phrases similaires abondant dans un volume font preuve que l’auteur, trop préoccupé de musique à la façon contemporaine, a mal vu « d’intérêt » du drame wagnérien. D’autres jugements : « L’analyse psychologique des personnages fait le plus souvent défaut » ou : « Wagner a porté tout l’effort de sa puissance révolutionnaire sur un seul objectif : l’illusion théâtrale … » Rectifions quelques informations erronées : dans Siegfried la scène de Siegfried et du Voyageur est après la traversée du feu ; ce qu’on appelle la scène d’amour de la Walkure est au premier acte ; etc. ; encore : Madame Vogl est de Munich, Mademoiselle Therese Malten de Dresde ; etc.

523. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Pareillement, les personnages du roman héroïque sont plus hauts, ou plus délicats, ou plus jolis que nature, mais les personnages du roman comique sont plus laids, ou plus grossiers, ou plus bas. […] Les personnages, moins dessinés en caricature, sont plus naturels et plus vrais. […] Ces traits ne sont donc pas du caractère des personnages, mais bien, et positivement, du style de l’auteur, de sa façon particulière de penser et d’écrire. […] Les personnages y sont trop d’une pièce, et on en a trop vite atteint le fonds, si même ils en ont un. […] Et ils ne voient pas que si l’excuse valait seulement la peine d’être discutée, c’en serait fait du personnage, et, partant, du roman de Prévost.

524. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Ce n’était pas le compte de Voltaire, qui prétendait, et avec raison, peindre, animer ses tableaux, tenir le lecteur en haleine et les yeux attachés sur les principaux personnages : « Je jetterais mon ouvrage au feu, si je croyais qu’il fût regardé comme l’ouvrage d’un homme d’esprit… J’ai voulu émouvoir, même dans l’histoire. […] Mme Guizot (Pauline de Meulan) a touché ce point comme il convient, avec discrétion et sagacité63 : il est à la rigueur possible, pense-t-elle, que dans cette grande comédie que jouèrent habituellement les uns envers les autres, et quelquefois envers eux-mêmes, la plupart des personnages du xviiie  siècle, Duclos ait pris pour son rôle celui d’un bourru redouté, emporté au-dehors, habile et assez modéré en dedans. […] Duclos ne pouvait plus se contenir ; ses propos éclataient contre les personnages en place : on lui conseilla de s’absenter quelque temps, et il se le conseilla à lui-même.

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