/ 1910
454. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Ce personnage de Simiane à côté de Rousseau est vrai ; celui-ci a eu de tels amis, ses égaux d’esprit et d’âme, et obscurs ; on peut relire l’éloquente page qu’il consacre à la mémoire de l’un d’eux : « Ignacio Emmanuel de Altuna était un de ces hommes rares que l’Espagne seule produit, et dont elle produit trop peu pour sa gloire…31. » Simiane est un de ces Emmanuels de Jean-Jacques, restés inconnus. […] La scène se passe dans le Hartz, vers 1714 ; le paysage est grandement décrit ; les personnages historiques, à demi mystérieux, y sont jetés tout d’abord à la Walter Scott et sans les longueurs. […] Mais ce qui me paraît certain, c’est que l’auteur y a outre-passé les conditions de vraisemblance et d’intérêt, parce qu’à ce moment il a perdu de vue ses personnages en eux-mêmes pour s’adresser à la galerie.

455. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Lors même que Shakespeare représente des personnages dont la destinée a été illustre, il intéresse ses spectateurs à eux par des sentiments purement naturels. […] Ce ne sont point des personnages mythologiques, apportant leurs volontés supposées ou leur froide nature au milieu des intérêts des hommes ; c’est le merveilleux des rêves, lorsque les passions sont fortement agitées. […] La découverte de l’imprimerie a nécessairement diminué la condescendance des auteurs pour le goût national : ils pensent davantage à l’opinion de l’Europe ; et quoiqu’il importe que les pièces qui doivent être jouées aient avant tout du succès à la représentation, depuis que leur gloire peut s’étendre aux autres nations, les écrivains évitent davantage les allusions, les plaisanteries, les personnages qui ne peuvent plaire qu’au peuple de leur pays.

456. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Je ne sais si cela a cessé d’être vrai aujourd’hui qu’on se flatte d’avoir aboli les distinctions de naissance, il me semble que les fils de personnages considérables, que les noms historiques, ne laissent pas d’avoir encore au moins dix ans d’avance sur les autres au début de la carrière. […] Il dirait volontiers avec ce personnage de Montesquieu, dans les Lettres persanes : « Voici les poètes dramatiques, qui, selon moi, sont les poètes par excellence et les maîtres des passions… Voici les lyriques, que je méprise autant que j’estime les autres, et qui font de leur art une harmonieuse extravagance. » Il y a là, certainement, une lacune dans la manière dont M.  […] Des parties tout à fait belles et sérieuses, comme lorsqu’il parle de l’Antiquité grecque et des personnages d’Homère ou de Sophocle, ou encore lorsqu’il aborde cette autre Antiquité chrétienne des Augustin et des Chrysostome, font voir le maître dans son élévation et sa gravité, et rachètent quelques abus.

/ 1910