Que le fait de se concevoir autre soit inhérent à toute existence consciente d’elle-même, voilà ce qu’il nous faut désormais accepter comme un axiome irréductible et contre lequel il n’était permis de s’insurger que du point de vue d’une fausse sensibilité intellectuelle.
Il se bornera seulement à faire remarquer que la partie pittoresque de son roman a été l’objet d’un soin particulier ; qu’on y rencontre fréquemment des K, des Y, des H et des W, quoiqu’il n’ait jamais employé ces caractères romantiques qu’avec une extrême sobriété, témoin le nom historique de Guldenlew, que plusieurs chroniqueurs écrivent Guldenloëwe, ce qu’il n’a pas osé se permettre ; qu’on y trouve également de nombreuses diphtongues variées avec beaucoup de goût et d’élégance ; et qu’enfin tous les chapitres sont précédés d’épigraphes étranges et mystérieuses, qui ajoutent singulièrement à l’intérêt et donnent plus de physionomie à chaque partie de la composition.
Tout écrivain fortement raciné se manifeste tel dès le premier abord, et ses héros ont un accent par où se révèle la saveur du terroir : vérité tellement frappante que l’on rougirait d’y insister, elle nous permet d’embrasser d’autant mieux le point de vue contraire. […] Pour certaines natures bizarrement organisées, ou seulement plus compliquées que le commun des mortels, l’infidélité en amour n’est qu’un moyen de contrôle qui, par différence, permet de préciser la valeur de ses sensations. […] A certaines heures, c’est comme si elle parlait une langue que nous ne pouvons entendre, et la seule contraction de ses traits nous permet de soupçonner des angoisses qui ne sauraient avoir d’écho direct en nous. […] Aurai-je atteint à marquer la forte assise intellectuelle qui permet des déductions de cette rigueur, et que par là du moins, le don littéraire de Mme Marcelle Tinayre s’affirme en un saisissant contraste avec celui de ses rivales ? […] Car ce serait une pauvre analyse, bien vaine et indigne de fixer l’attention, celle qui se restreindrait à son rôle de dissociation, sans souci de préparer l’effort qui permet d’embrasser les ensembles.