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938. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Quand les choses ne vont pas comme on le comprend, le mieux est d’attendre et d’y peu penser. […] On ne pensera pas encore de quelque temps au successeur : les Chambres n’étant pas assemblées, rien ne presse. — On dit que la première cause de la maladie a été un dîner chez l’ambassadeur de Naples : il y avait, suivant son usage, beaucoup trop mangé : ensuite est arrivée une inflammation dont on n’a jamais pu se rendre maître. — J’irai vous voir mardi 14 avec M.  […] J’ai fait, comme je le pense, l’éloge de Sainte-Aulaire. — Cela produira-t-il quelque chose ? […] La vertu était son côté faible, et il dut penser à le fortifier.

939. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Il pensait d’abord à se retirer pour rallier les corps de Bernadotte et de Lefebvre. […] Soult était accusé par ses propres soldats d’avoir voulu se faire roi en Portugal : « L’Empereur traita cela de niaiserie ; cependant il fit appeler Jomini le soir même, lui fit répéter l’aventure en présence de Masséna et du prince Eugène, et leur dit : « Pensez-vous qu’il y ait un maréchal de France assez fou pour se proclamer roi indépendant ? […] Bailly de Monthyon, qui sans doute, pensait-il, lui réservait l’honneur de commander quelque dépôt d’écloppés, ou de faire dans sa chancellerie des liasses d’ordres du jour. » Sa tête fermenta ; il n’y put tenir ; il roula dans son esprit une grande résolution : il était Suisse de nationalité et libre ; l’empereur Alexandre était l’intime allié de Napoléon. […] … Aujourd’hui, que pensera de moi le généreux prince qui, sans me connaître autrement que par mon ouvrage, me fait un accueil si flatteur, et qui, en utilisant directement mon instinct guerrier, me fournirait du moins les occasions de faire quelque chose ?

940. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

L’époque est bien riche en talent, en esprit, en monnaie d’œuvres ; quelques connaisseurs des mieux informés pensent même que si on rassemblait tout ce numéraire en circulation, aucun temps peut-être n’aurait à se vanter d’être aussi riche que nous. […] Si tel romancier à la mode résiste bien rarement à gâter ses romans encore naissants après le premier demi-volume, c’est que, voyant que le début donne et réussit, il pense à tirer l’étoffe au double, et à faire rendre au sujet deux tomes, que dis-je ? […] Désespérant de la postérité, n’y croyant pas, sentant bien, si jamais ils y pensent, qu’elle ne réserve son attention calme qu’à des efforts constants, élevés, désintéressés, ils convoitent le présent pour y vivre et en jouir, et ils le convoitent si bien, avec tant d’ardeur et de fougue, qu’ils semblent parfois l’avoir conquis tout entier d’un seul bond, d’un seul assaut. […] Je me permets tout bas de penser que ce laisser-aller est une erreur ; rarement les moindres choses (à plus forte raison les grandes) s’organisent d’elles-mêmes.

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