Il semble avoir trop pensé que l’histoire pouvait se commencer indifféremment à toute date, et qu’une fois sur cette date, il n’y avait plus qu’à enfourcher les faits et à trotter. […] Les jugements qu’on y trouve, ces jugements qui doivent couronner tous les faits quand l’historien sait penser sur ce qu’il raconte, manquent généralement du grand caractère qui, toujours dans la vérité, et quelquefois, hélas ! […] Avec le choix qu’il avait fait des plus tristes années d’un règne qui tenterait par les côtés les plus brillants les imaginations vulgaires, nous pensions qu’il avait sur ces quinze années, jugées un peu trop par les hommes, ces valets de bourreau du succès, comme le sont les phases malheureuses, quelque juste réclamation à élever, quelque inscription en faux inattendue à introduire contre des opinions la plupart sans sagacité et sans largeur.
Gœthe, sans Diderot, pourrait exister peut-être, comme Diderot lui-même ; mais ils n’en sont pas moins tous deux des esprits de même substance et de même race, — et tellement qu’en écrivant de Gœthe, ce Voltaire de l’Allemagne, qui n’eut personne pour contrebalancer sa gloire, il est impossible de ne pas penser à Diderot, qui eut Voltaire à côté de lui pour tuer, par la comparaison, la sienne ! Et fatalement on y a pensé. L’auteur de ce livre est arrivé de l’étude sur Gœthe à l’étude sur Diderot, qui l’a complétée… Seulement, tout d’abord, il n’a pensé qu’à Gœthe, — à cette immense personnalité de Gœthe, qui remplit jusqu’aux bords le xixe siècle et bouche tous les horizons de la pensée moderne de son insupportable ubiquité.
Pour mon compte, je suis de l’avis de celui qui disait, avec une netteté si éloquente : « Quand je pense aux États-Unis, je suis Anglais. Quand je pense à la dernière insurrection des Indes, je suis Indien. » Et toujours pour le même motif et le même principe, le dévouement à la mère-patrie ! […] Elle nous promène de faits en faits, contradictoires souvent, toujours inexpliqués, et n’a pas de conclusion claire qui se fixe dans l’esprit du lecteur et lui dise, avec l’ascendant de la connaissance : « Sur l’Amérique, ses institutions et ses hommes, voilà ce que tu dois penser !