Je lui réponds que j’écris tout ce qu’il dit, parce que cela vaut bien tout ce que je pense. […] Mais, avant tout, que je sache ce que vous pensez et quelles sont vos idées sur votre situation. » — « Hélas ! lui dis-je, j’ignore moi-même ce que je pense. » Et la jeune femme expose les contradictions de son propre cœur ; qu’il y a déjà longtemps qu’elle se croyait détachée de son mari et parfaitement indifférente, et pourtant qu’elle ne peut penser à lui sans verser des larmes, et qu’elle redoute par moments son retour, presque comme si elle le haïssait. […] « On en parlera pendant huit jours, peut-être même n’en parlera-t-on point, et puis l’on n’y pensera plus, si ce n’est pour dire : Elle a raison. » Le choix de Mme d’Épinay était fait dès lors plus qu’elle ne l’osait avouer à Mlle d’Ette, car un sentiment instinctif de délicatesse l’avertissait qu’il fallait cependant cacher quelque chose à cette prétendue amie, qui portait si hardiment la main à ces tendresses naissantes et timides.
Son père y pensa pour lui et arrangea son mariage avec Mlle de Boufflers, petite-fille et héritière de la maréchale de Luxembourg. […] Environ deux ans après, au mois d’avril 1791, le duc de Biron tenta auprès de M. de Bouillé, qui commandait à Metz, une démarche d’un tout autre genre, et fut porteur de propositions toutes royalistes, de la part encore du duc d’Orléans ou de son parti : Le duc de Biron, dit M. de Bouillé, vint me voir à Metz, dans les premiers jours d’avril : membre de l’Assemblée constituante, ami du duc d’Orléans, constamment attaché à son parti, il ne fut jamais, à ce que je pense, le complice ni même le confident de ses crimes. […] Je lui dis que je ne le croyais pas associé à sa conduite criminelle, mais que, constamment attaché à ce prince, son parti, il aurait dû l’abandonner, puisqu’il pensait ainsi. […] On ajoute que, dans un sentiment plus élevé, il s’écria à l’instant de la mort : « J’ai été infidèle à mon Dieu, à mon Ordre et à mon Roi : je meurs plein de foi et de repentir39. » On aime à penser qu’en ce moment de suprême équité, un autre nom, une autre infidélité lui serait revenue encore en mémoire, et qu’il se serait dit quelque chose de plus à lui-même s’il avait pu prévoir que, quelques mois après, sa femme, cette modeste, charmante et vertueuse femme dont il a si indignement parlé, et dont tous, excepté lui, ont loué l’inaltérable douceur, la raison calme et soumise, et les manières toutes pleines de timidité et de pudeur, monterait à son tour sur l’échafaud. […] Il y a des traits fort spirituels ; il fait surtout plaisir à ceux qui ont connu, non Émilie, comme écrit Mme Necker, mais Amélie, et il fait mal quand on pense que cette excellente femme, recommandée à un Ange pour ses derniers moments, a été livrée au bourreau.
Il est vrai qu’on se propose seulement d’instruire ; mais le genre didactique a ses graces particuliéres, j’en appelle à l’Art de penser. […] La Maniere de bien penser dans les ouvrages d’esprit, Paris 1688. […] Qu’on pense ou qu’on ne pense pas comme le P. […] Entr’autres opinions singulieres que l’on trouve rêpandues dans cet écrit, on est étonné que l’auteur y soutienne celle-ci, que les Chrétiens sages & éclairés croient qu’il vaut mieux écouter un beau & bon Sermon pour mieux pratiquer les vertus, que de demander à Dieu la grace de bien pratiquer ces vertus ; & il ose traiter ceux qui pensent différemment, d’Idolâtres, de Payens, de Quakers, & de Fanatiques ignorans.