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1981. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Au milieu de gens occupés à penser, il s’occupe à jouir et à souffrir. […] On pense d’abord à le faire prêtre, et il entre au séminaire : puis on le tourne vers la musique, dont il donnera des leçons avant de la savoir. […] Mais, malgré ces distinctions si souvent et si fortement répétées, la mauvaise foi des gens de lettres, et la sottise de l’amour-propre, qui persuade à chacun que c’est toujours de lui qu’on s’occupe, lors même qu’on n’y pense pas, ont fait que les grandes nations ont pris pour elles ce qui n’avait pour objet que les petites républiques ; et l’on s’est obstiné à voir un promoteur de bouleversements et de troubles dans l’homme du monde qui porte un plus vrai respect aux lois et aux constitutions nationales, et qui a le plus d’aversion pour les révolutions et pour les ligueurs de toute espèce, qui la lui rendent bien. […] Nous finissons par oublier d’habituer l’enfant à penser, à force d’étaler devant lui les pensées des autres ; nous l’écœurons de littérature, et nous n’en faisons même pas un lettré.

1982. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

J’ai longtemps pensé que l’homme de lettres était cela : un monsieur en voyage, écrivant sur une table d’auberge en buvant du champagne. […] Le roseau, le nénuphar me font penser au décor de la porcelaine de Chine, et il y a de l’Asie pour moi au bord de toute rivière. […] J’ai pensé, en voyant cet éventail, à faire une collection de toutes les élégances matérielles, morales, sentimentales de la femme d’aujourd’hui, et la collection faite, de bâtir mon roman idéal avec le dessus du panier des réalités chic. […] Après un livre, il y a comme un retrait, un reflux de l’activité de penser et d’agir.

1983. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Cela faisait penser à je ne sais quoi de doux dans la force, comme le rut du Paradis… Une comparaison qui ramène mes idées au scandale que devait donner l’Eden, où Adam et Ève ne pouvaient sortir de l’arbre qu’ils habitaient, sans marcher sur un flagrant délit, plein d’incitation pour des gens si peu vêtus… et vraiment la sévérité de Dieu a été grande de leur dresser procès-verbal, et de les mettre à la porte de son jardin, par ce garde champêtre au sabre de feu. […] * * * — Dans l’élite de ceux qui pensent, il se fait une visible réaction contre le suffrage universel et le principe démocratique ; et des esprits se mettent à voir le salut de l’avenir dans une servitude de la canaille, sous une aristocratie bienfaisante des intelligences. […] On pense avec plus de volonté à faire des œuvres pour soi. […] * * * — Les hommes et les femmes pensaient plus vivement au xviiie  siècle que maintenant : leur correspondance en fait foi.

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