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309. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Tout annonce qu’il s’y distingua, et l’on croira sans peine qu’en appréciant la précocité de son talent, ses maîtres eurent de bonne heure à reconnaître le tour peu maniable de son caractère. […] Homme sensible, il n’admet point la peine de mort : Quelque vénération que m’impose l’autorité de J. […] Lui, qui refusera plus tard aux accusés devant le Tribunal révolutionnaire les défenseurs officieux sous prétexte que « tous les jurés sont des patriotes », il s’écrie ici, ou plutôt il soupire du ton d’un berger d’églogue : Bienheureuse la contrée du monde où les lois protectrices de l’innocence instruiraient contre le crime avant de présumer son auteur, jusqu’à ce que son crime l’accusât lui-même ; où l’on instruirait ensuite, non plus pour le trouver coupable, mais pour le trouver faible ; où l’accusé récuserait non seulement plusieurs juges, mais plusieurs témoins ; où il informerait lui-même contre eux après la sentence, et contre la loi, et contre la peine ! et bienheureuse mille fois la contrée où la peine serait le pardon !

310. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Or la croyance à la légitimité de la peine n’appartient pas seulement à celui qui punit : elle est encore enracinée dans le cœur de celui qui est puni. Si le châtiment social lui fait défaut, il s’invente avec le remords une peine intérieure et qu’il emporte avec lui. […] C’est ainsi qu’au temps de la passion amoureuse, cet instinct vainqueur, qui semble tenir alors la place de la personne tout entière, emploie sans peine à le servir tous les autres instincts toutes les autres puissances du corps humain. […] Mais en même temps sa sensibilité se déplace : des déplaisirs et des peines qu’il ne connaissait pas l’assiègent.

311. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Comme, d’autre part, rien n’est plus aisé que de raisonner géométriquement, sur des idées abstraites, il construit sans peine une doctrine où tout se tient, et qui paraît s’imposer par sa rigueur. […] Nous le devinerons sans peine si nous considérons la structure générale du système nerveux. […] La pensée qui n’est que pensée, l’œuvre d’art qui n’est que conçue, le poème qui n’est que rêvé, ne coûtent pas encore de la peine ; c’est la réalisation matérielle du poème en mots, de la conception artistique en statue ou tableau, qui demande un effort. […] Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même.

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