Dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, je lis cette remarque piquante sur la vanité des érudits, « plus grande, dit d’Alembert, que celle des poètes, parce que l’érudit croit voir tous les jours augmenter sa substance par les acquisitions qu’il fait sans peine, tandis que l’esprit qui invente est toujours mécontent de ses progrès, parce qu’il voit au-delà. » On ne sait trop qui a pu amener cette phrase, ni ce qu’elle fait dans un discours de ce genre, tant le titre et la matière emportent l’esprit loin de réflexions agréables sur les mœurs littéraires. […] C’est vers ce temps-là qu’étant allé faire visite à M. de Chateaubriand, il me montra, tout humide encore des dernières corrections, une page qu’il venait d’achever, voulant, disait-il, me rendre témoin de ce qu’il se donnait de peine pour plaire aux plus difficiles.
Le Philosophe, ne se donne point la peine de distinguer ; il suppose que tous les Princes sont furieux, que toutes les Nations sont stupides, que tous les Militaires sont ineptes & barbares. […] On n’aura pas de peine à se le persuader, si l’on pense qu’un homme de Lettres n’arrive aux honneurs, aux places, aux récompenses, & même aux bénéfices, que par les Philosophes, & que, se déclarer contre eux, c’est se fermer la porte à toute espece de fortune.
A peine ose-t-il par instants fermer les paupières, de peur de manquer la flamme attendue. […] la peine est passée.