Au lieu de peindre tout comme il savait peindre (car avec sa phrase décharnée, qui n’est plus qu’une fibre, il dessinait plus qu’il ne peignait), au lieu de peindre tout il se plaint de tout : de sa santé qui se détraque, du soleil qui lui mange le nez dans les promenades officielles de Fontainebleau, de la chaleur des salons, du froid des corridors, et surtout (son plus grand supplice !)
Dans tous ces éloges on eut bien l’audace de peindre le duc de Guise comme l’appui, le héros et le martyr de la religion, lui pour qui l’église n’avait été qu’un prétexte de déchirer l’État ; lui, qui n’était catholique que pour être factieux ; lui, dont toute la religion était l’envie d’usurper le trône, et qui s’armait du fanatisme pour marcher à la révolte. […] Sa gaieté au milieu des combats, ses bons mots dans la pauvreté et le malheur, toutes ces saillies d’une âme vive et d’un caractère généreux, cette foule de traits que l’on cite, et qui sont à la fois d’un homme d’esprit et d’un héros, semblaient peindre en même temps l’imagination française, et le genre d’esprit avec le caractère national. […] Il peint la haine et la fureur du peuple, qui aurait voulu arracher ce monstre des mains des bourreaux, pour le déchirer de ses propres mains. Il peint des Français témoins du supplice, et par un mélange affreux de férocité et de tendresse, changés tout à coup en cannibales, dévorant la chair sanglante de l’assassin.
Toutes les impressions s’atténuent ; le parfum est si faible que souvent on ne le sent plus ; à genoux devant leur dame, ils chuchotent des mièvreries et des gentillesses ; ils aiment avec esprit et politesse ; ils arrangent ingénieusement en bouquets « les paroles peintes », toutes les fleurs « du langage frais et joli » ; ils savent noter au passage les sentiments fugitifs, la mélancolie molle, la rêverie incertaine ; ils sont aussi élégants, aussi beaux diseurs, aussi charmants que les aimables abbés du dix-huitième siècle : tant cette légèreté de main est propre à la race, et prompte à paraître sous les armures et parmi les massacres du moyen âge, aussi bien que parmi les révérences et sous les douillettes musquées de la dernière cour ! […] Ils ne sont point frappés par la magnificence de la nature ; ils n’en voient guère que les jolis aspects ; ils peignent la beauté d’une femme d’un seul trait, qui n’est qu’aimable, en disant « qu’elle est plus gracieuse que la rose en mai. » Ils ne ressentent pas ce trouble terrible, ce ravissement, ce soudain accablement du coeur que montrent les poésies voisines ; ils disent discrètement « qu’elle se mit à sourire, ce qui moult lui avenoit. » Ils ajoutent, quand ils sont en humeur descriptive, qu’elle eut « douce haleine nette et savourée », et le corps aussi blanc « comme est la neige sur la branche quand il a fraîchement neigé. » Ils s’en tiennent là ; la beauté leur plaît, mais elle ne les transporte pas ; ils goûtent les émotions agréables, ils ne sont pas propres aux sensations violentes. […] Non qu’ils peignent la volupté comme les Italiens et Boccace.