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1969. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

J’y trouve aussi cet éloge de Bonstetten, qui n’est autre chose qu’une critique détournée à l’adresse de Chateaubriand : « L’auteur, remarque-t-il, ne s’y prend pas comme M. de Chateaubriand, qui, pour donner une idée précise de la campagne romaine, dit qu’on y trouve quelque chose de la désolation de Tyr et de Babylone ; mais il cite des faits… Toute cette éloquence, ce me semble, serait bien pauvre à côté de cette réponse de quelques ouvriers auxquels M. de Bonstetten demandait comment ils vivaient : — Nous n’avons tout au plus que du pain à mangeret quelques herbes crues arrachées dans les champs. — Et quand vous êtes malades ? […] Celui-ci devait ramener la pauvre Mme de Tocqueville, un des frères retournant à Nice où il avait laissé sa famille, l’autre reconduisant la dépouille de son frère, qui, d’après sa volonté, reposera dans le cimetière de Tocqueville.

1970. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Pitt, dit-il, fit au collége des vers latins sur la mort de George Ier. « Dans cette pièce, les Muses sont priées de venir pleurer sur l’urne de César ; car César, dit le poëte, aimait les Muses, César qui n’était pas capable de lire un vers de Pope, et qui n’aimait rien que le punch et les femmes grasses. » — Ailleurs, dans la biographie de miss Burney, il raconte comment la pauvre jeune fille, devenue célèbre par ses deux premiers romans, reçut en récompense, et par grande faveur, une place de femme de chambre chez la reine Charlotte ; comment, épuisée de veilles, malade, presque mourante, elle demanda en grâce la permission de s’en aller ; comment « la douce reine » s’indigna de cette impertinence, ne pouvant comprendre qu’on refusât de mourir à son service et pour son service, ou qu’une femme de lettres préférât la santé, la vie et la gloire, à l’honneur de plier les robes de Sa Majesté. […] Macaulay a toujours devant les yeux des imaginations anglaises, remplies par des images anglaises, je veux dire par le souvenir détaillé et présent d’une rue de Londres, d’un cellier à spiritueux, d’une allée de pauvres, d’une après-midi à à Hyde-Park, d’un paysage humide et vert, d’une maison blanche et garnie de lierre à la campagne, d’un clergyman en cravate blanche, d’un matelot en casquette de cuir.

1971. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Les premières stances sont graves, et le lecteur croirait volontiers que la plainte va tourner à la satire ; mais peu à peu le souvenir des belles collines d’Irlande donne à la pensée du pauvre paysan une sérénité pleine de grandeur ; en pleurant ses collines chéries, il cède au besoin de les chanter, de les peindre ; il en décrit la beauté avec tant de précision, tant de pureté, qu’il oublie un instant sa douleur dans l’admiration de la terre absente. […] Certes, un homme de cette trempe, premier ministre à vingt-quatre ans, maître de son pays pendant plus de vingt ans, étranger à toutes les joies qui ne sont pas le pouvoir, mort pauvre, obligé de recommander ses nièces à la générosité publique après avoir régné sur l’Angleterre et sillonné l’Europe de sa volonté, est une figure digne d’étude. […] Après avoir pris pour évangile cet axiome incomparable : « Les riches ont raison d’être riches et les pauvres ont tort d’être pauvres », il ne pouvait concevoir aucun doute sur le but légitime de la comédie.

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