Nul scrupule de grammairien et de puriste, nulle préoccupation technique d’écrivain ne dirige ou n’arrête la plume de Saint-Simon : ce duc et pair n’est pas homme de lettres ; et les traditions, les règles, qui emmaillotent l’inspiration des pauvres diables faiseurs de livres, ne sont pas pour lui.
Poirier (1854), qui met aux prises deux types si vrais de bourgeois enrichi et de noble ruiné ; dans les Lionnes pauvres (1858), où l’honnête Pommeau et sa femme forment un couple digne de Balzac, et nous offrent le tableau des ravages que l’universel appétit de richesse et de luxe peut faire dans un modeste ménage ; dans Maître Guérin (1864), enfin, qui, malgré son sublime colonel, est peut-être l’œuvre la plus forte de l’auteur par le dessin des caractères : ce faux bonhomme de notaire, qui tourne la loi et qui cite Horace, gourmand et polisson après les affaires faites, cette excellente Mme Guérin, vulgaire, effacée, humble, finissant par juger le mari devant qui elle s’est courbée pendant quarante ans, cet inventeur à demi fou et férocement égoïste, qui sacrifie sa fille à sa chimère, ces trois figures sont posées avec une étonnante sûreté ; Guérin surtout est peut-être le caractère le plus original, le plus creusé que la comédie française nous ait présenté depuis Molière : Turcaret même est dépassé.
Une vie est l’histoire — un peu laborieusement contée, sous l’influence encore proche de Flaubert — d’une pauvre créature sacrifiée, qui souffre par son mari, puis par son fils, et qui meurt.