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648. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Que chercheront les grands prosateurs et les grands poètes de cette époque favorisée, si ce n’est la vérité universelle, celui-ci des passions, celui-là des vices, cet autre des faiblesses de notre nature, la vérité des caractères, la vérité des esprits, la vérité des cœurs ? […] Au lieu des personnes capricieuses, variables, ondoyantes du seizième siècle, je vois de belles et pures intelligences, auxquelles Descartes a transmis le secret de cette domination de l’âme sur le corps, de la raison sur la passion. […] Il suivait en cela la prescription de saint François de Sales contre les passions, dont on parvient à se défendre, dit ce saint, en parlant fort contre elles, et en s’engageant, même de réputation, au parti contraire. […] La foule la plus entraînée éprouve un certain respect pour celui qui se tient à l’écart ; elle sent involontairement qu’elle agit plus par passion que par raison, et qu’en ne la suivant pas on fait preuve de raison. […] Ce qui ne veut pas dire, on le comprend de reste, l’homme qui raisonne ou enseigne, mais l’homme qui sent, imagine, s’émeut, se passionne dans une mesure telle, que tout lecteur se reconnaît dans ses écrits, et que nous tenons pour nôtres ses sentiments, ses passions et sa raison.

649. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Mais il n’y a pas ici de roman, parce qu’il n’y a pas d’action, d’événements, de passions en lutte, de caractères, et que la synthèse de la vie n’y introduit pas la concentration de son ensemble tout puissant ; parce qu’on n’y trouve, en définitive, qu’une description psychique et physiologique d’un cas d’organisation très particulier. […] Tout ce roman de Renée Mauperin est dans ce chef-d’œuvre acéré d’Henri Mauperin, qui, pour soubasser son ambition de « jeune bourgeois », a soufflé scélératement au cœur d’une de ces femmes mûres, toujours prêt à s’entr’ouvrir, une passion insensée sur laquelle il compte pour lui faire donner sa fille en mariage ; et l’incestueux mariage s’accomplirait avec le cynisme ordinaire, lorsque Henri est tué en duel par un vieux noble qu’il croyait mort et dont il avait pris le nom légalement ( la légalité nous tue ! […] La matérialité y étouffe tout : la pensée, l’émotion, la passion, le drame et la vie ! […] … Cruel problème, qui peut donner lieu à des spectacles d’une passion immense ! […] Il a découvert une maladie des plus rares, qui se termine par ce qu’il appelle une agonie sardonique, et c’est pendant cette agonie de son amant — lord Annandale — que la Faustin, qui a renoncé à la scène et reprise par la rage de l’art, par l’ogre qui dévore la nature et qui mange toujours la femme au profit de la comédienne, étudie, mime et répète devant une glace, avec la passion de l’artiste qui ne voit plus rien, ce rire affreux de son amant qui meurt, quand, dans un de ces retours de connaissance comme il en revient parfois aux mourants, le lord s’aperçoit du rire de sa maîtresse et la fait jeter à la porte par ses valets.

650. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

En général, les opinions de mes professeurs ne m’inspiraient ni le désir de les partager, ni la passion de les contredire. […] Vous savez assez que George Sand a eu toute sa vie la passion du théâtre. […] L’une avait plus de style, et l’autre plus de passion. […] — que quand les idées sont devenues des passions. […] Par Zeus, on n’a jamais vu une telle passion pour la jeunesse.

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