Mais je crois que le mérite de ce roman ne peut être bien senti que par des personnes qui aient aimé avec autant de passion que de tendresse, peut-être même que par des personnes dont le cœur soit actuellement pénétré d’une passion profonde, heureuse ou malheureuse. […] Cependant l’intérêt, c’est-à-dire l’intérêt de la passion, m’a paru si vif dans le livre de J.
Il peut leur ressembler par les idées, les étroitesses, les préjugés ou l’ignorance, mais il en diffère aussi par l’absence de passion, le sang-froid, la probité dans le renseignement. […] Son émotion, il la gouverne… Cette main sans passion, — et qui écrit, à propos des supplices de 1554 : « Qu’était-ce que cela, en comparaison des milliers de victimes qui périrent sous le règne précédent ! » (sous le grand Charles-Quint, qui paraît bien moins cruel que Philippe II, ce lieu commun de cruauté, parce que l’opinion est femme, et, dans cette question, était une femme flamande, et que le Flamand couvrait Charles-Quint, comme l’Espagnol perdait Philippe II), — cette main sans passion n’a pas une seule fois dans cette histoire, si tentante pour les plumes ardentes, tracé un de ces portraits terribles qui flambent éternellement sur une mémoire et empêchent éternellement de voir clair à travers ce feu.
L’histoire du journalisme en France, c’est-à-dire l’histoire de toutes les idées, de toutes les passions, de tous les partis qui se sont servis du journalisme comme d’une arme bonne à toute main, est, en effet, à cette heure, cruellement difficile, et qui l’entreprend doit avoir plus de froideur de tête et plus de mépris des préjugés contemporains que pour écrire toute autre histoire. […] Avant Renaudot, il y avait, en effet, pour nous, des pamphlétaires, des satiriques, des libellistes, des polémistes sous toutes les formes, et les luttes religieuses du xvie siècle avaient exaspéré plus que jamais cette furie de plumes qui vivra autant que la passion humaine ; il y avait même des nouvellistes ; mais le journalisme, c’est-à-dire ce mode de renseignement à jour fixe, au moyen de gazettes, à proprement parler n’existait pas. […] Or, parmi les injures qui salissent l’histoire, il n’en fut peut-être jamais de plus ternes — parce que la grande passion, qui anime tout, n’y était même pas, — que celles-là qui tombèrent un jour sur le cardinal Mazarin, dont elles tachèrent à peine la pourpre.