Ce n’est pas que je manque de reconnaissance ni d’envie de plaire ; mais je trouve que l’approbation d’un sot n’est flatteuse que comme générale, et qu’elle devient à charge quand il la faut acheter par des complaisances particulières et réitérées. […] Le goût particulier à Mlle Le Couvreur se fait jour à son insu dans ce portrait, et l’on sent quelles qualités, avant tout, elle prise et elle désire chez les hommes de son intimité.
Grand peintre d’histoire, Saint-Simon excelle à rendre les individus en pied, les groupes, les foules, à la fois le mouvement général et le détail particulier à l’infini : il a ce double effet et du détail et des ensembles. […] À le voir les décrire avec des expressions si particulières et si précises, on dirait d’un Hippocrate au chevet d’un mourant, qui étudie chaque symptôme, chaque crispation de la face, et qui lui assigne son caractère avec l’autorité d’un maître.
La ressemblance de plusieurs traits essentiels me fait croire que la véritable clef de ce portrait peu connu est bien en effet celle-là : L’aimable Clarice est, sans doute, une des personnes du monde la plus charmante, et de qui l’esprit et l’humeur ont un caractère le plus particulier ; mais, avant que de m’engager à vous les dépeindre, il faut vous dire quelque chose de sa beauté. […] Et maintenant, quand on a parlé de Ninon avec justice, avec charme, et sans trop approfondir ce qu’il dut y avoir de honteux malgré tout, ce qu’il y eut même de dénaturé à une certaine heure, et de funeste dans les désordres de sa première vie, il faut n’oublier jamais qu’une telle destinée unique et singulière ne se renouvelle pas deux fois, qu’elle tient à un incomparable bonheur, aidé d’un génie de conduite tout particulier, et que toute femme qui, à son exemple, se proposerait de traiter l’amour à la légère, sauf ensuite à considérer l’amitié comme sacrée, courrait grand risque de demeurer en chemin, et de flétrir en elle l’un des sentiments, sans, pour cela, se rendre jamais digne de l’autre21.