En résumé et en conclusion, la thèse qui consiste à faire de l’intelligence un produit des influences sociales et pédagogiques nous paraît très exagérée.
Soit, par exemple, l’admirable introduction de G. de Humboldt à son essai sur le kawi, où se trouvent réunies les plus fines vues de l’Allemagne sur la science des langues, cet essai serait traduit en français qu’il n’aurait aucun sens et paraîtrait d’une insigne platitude : et c’est là ce qui en fait l’éloge ; cela prouve la délicatesse du trait.
Si Moliére n’avoit pas étudié lui-même les observations détaillées de l’art de parler et d’écrire, ses pièces n’auroient été que des pièces informes, où le génie, à la vérité, auroit paru quelquefois : mais qu’on auroit renvoyées à l’enfance de la comédie : ses talens ont été perfectionés par les observations, et c’est l’art même qui lui a apris à saisir le ridicule d’un art déplacé. […] Ce dernier vers a paru afecté ; on a dit que les flots de la mer aloient et venoient sans le motif de l’épouvante, et que dans une ocasion aussi triste que celle de la mort d’un fils, il ne convenoit point de badiner avec une fiction aussi peu naturèle. […] En un mot, conoissoit-il alors ce qu’il ne conoissoit pas encore, et ce qui lui a paru nouveau dans la suite, quelque facilité qu’il ait eue à le concevoir ?