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787. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Mais on pourrait dire que parmi ces sœurs immortelles quelques-unes sont plus étroitement liées ensemble que les autres, ou, pour parler en style plus moderne, que, s’il y a, par exemple, cousinage entre les lettres et les sciences, il existe une parenté plus rapprochée entre les lettres et les arts. […] Quel écrivain pourra jamais, par exemple, faire parler les voix mystérieuses de la brise et des oiseaux dans les branches, de façon à égaler les frémissements aériens et les frissons harmonieux par lesquels Wagner évoque (dans Siegfried) les murmures de la forêt ? […] Ce sont, par exemple, des noms de vêtements qui rappellent que telle influence étrangère s’exerçait au moment où ils ont reçu droit de cité : le haubert, le heaume nous reportent à l’époque guerrière où les Francs imposaient leur domination et quelques-uns de leurs mots à la Gaule vaincue, tout comme, de nos jours, redingote, raglan, mac-farlane, etc., montrent l’action de l’Angleterre sur nos mœurs nationales. […] On le vit bien, sous la Révolution, dans ces immenses concours de multitude sur lesquels planait, comme une étoile avant-courrière d’une nouvelle ère, une grande Idée nationale ou humaine, par exemple celle de liberté ou de fraternité, que peintres, sculpteurs, musiciens, poètes essayaient tous d’exprimer ou d’incarner à leur façon.

788. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Les critiques que fait ce lecteur dont j’ignore le nom, un peu minutieuses parfois, sont la plupart d’une grande justesse : il y relève des inexactitudes et des irrégularités d’expression, des phrases embarrassées, des répétitions (le mot de goût, par exemple, répété à satiété) ; il y fait sentir les faiblesses et les incertitudes du plan, surtout vers la fin ; il y reconnaît aussi et y loue les belles parties, le tableau si vif du prince de Conti à la journée de Neerwinden, et surtout la peinture animée des grâces, de l’affabilité et du charme habituel qui le faisaient adorer dans la vie civile. […] Il a pourtant d’agréables et justes passages, comme celui-ci par exemple, qui peint Louis XIV dans son caractère de familiarité grave et de haute affabilité : De ce fonds de sagesse sortait la majesté répandue sur sa personne : la vie la plus privée ne le vit jamais un moment oublier la gravité et les bienséances de la dignité royale ; jamais roi ne sut mieux soutenir que lui le caractère majestueux de la souveraineté.

789. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

C’est, en effet, ce qu’il semble avoir surtout fait sans trop de peine ; il a versé tout d’abord sur ce canevas un peu sec son mouvement de narration, son abondance aisée et naturelle, et il est à croire que, pour les dernières parties où la comparaison manque, par exemple pour le célèbre siège de Calais, il avait entièrement recouvert et renouvelé par sa propre richesse le texte primitif sur lequel il ne s’appuyait plus que de loin et par le fond. […] Il est bien vrai qu’il réserve toutes ses sympathies et ses couleurs pour les hautes prouesses et les nobles entreprises d’armes, et ceux qui les font ; il est bien vrai que dans la répression de la Jacquerie, par exemple, et après le tableau des horreurs auxquelles elle s’est livrée, il se réjouit des représailles et de la vengeance qu’en tirent partout les seigneurs, et qu’il nous montre à plaisir les chevaliers qui, en fin de compte, ont raison par le glaive de tous « ces vilains, noirs et petits, et très mal armés ».

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