Il a égayé une page des Réflexions sur Longin d’une amusante silhouette de cuistre imbécile et solennel : c’était son professeur de rhétorique qui lui revenait en mémoire. […] La page charmante du roman de Psyché, où La Fontaine a peint cette intimité délicieuse de nos grands écrivains, est dans toutes les mémoires : il serait oiseux de la citer. […] De plus, quel que fût le crédit de Chapelain, et sa page contre ce « satirique effréné », cette « liasse canaille » de Despréaux, aurait-il osé ou pu faire retirer un privilège accordé de la propre bouche du roi ? […] Despréaux, avec une adresse perfide, se fait prier et supplier par un Père Jésuite de lui nommer l’unique moderne qui surpasse à son gré les anciens ; à ce nom de Pascal, si malignement retenu et brusquement lâché, stupeur du bon Père, qui gratifie d’une épithète injurieuse l’auteur des Provinciales ; là-dessus, voilà notre poète hors de lui, qui oublie son artificieuse ironie, et s’emballe à fond, criant, trépignant, et courant d’un bout de la chambre à l’autre, sans plus vouloir approcher d’un homme capable de trouver Pascal faux : cette merveilleuse page, dont je ne puis reproduire la couleur et la vie, donne la sensation de l’homme même : c’est bien lui, avec sa malice railleuse et sa sincérité passionnée, et toujours prenant trop au sérieux les idées pour s’en jouer avec la grâce indifférente de l’homme du monde, qui sacrifie sans hésiter n’importe quelle opinion à la moindre des bienséances.
Mais comme il ne me plairait point de paraître un témoin indifférent, et surtout un lecteur ingrat de tout ce qui s’y est écrit d’excellent, je risquerai de dire, en quelques pages, mon impression dernière sur les œuvres que l’accord persévérant des bons juges a consacrées, ce qui équivaut à un commencement de gloire131. […] Par combien d’abstractions ténébreuses, de rêveries auxquelles manque le charme poétique, ne faut-il pas passer avant d’arriver à une page éloquente, à une vérité neuve ou renouvelée par une expression originale ! […] Même dans les parties de son œuvre où la critique historique conteste si justement sa théorie sur les luttes des races, ce style soutient les pages contestées. […] Je ne dis rien non plus de ses ouvrages en prose, qui, dans une même admiration pour les plus belles pages, donnent sujet à un désaccord non moins marqué et persistant.
il y a pourtant une page enchanteresse dans votre livre, une certaine description du Bas-Meudon qu’on voudrait enlever de ces broussailles pour la placer dans un cadre à part, à côté d’un paysage de Jules Dupré. […] mais les fières révoltes, les endiablés soulèvements, les forts blasphèmes à l’endroit des religions de toutes sortes, la crâne affiche d’indépendance littéraire et artistique, le hautain révolutionnarisme prêché en ces pages ! […] Ce livre, j’ai la conscience de l’avoir fait austère et chaste, sans que jamais la page échappée à la nature délicate et brûlante de mon sujet, apporte autre chose à l’esprit de mon lecteur qu’une méditation triste. […] , paru en 1851… oui, en 1851… — qu’on me montre les japonisants de ce temps-là… — Et nos acquisitions de bronzes et de laques de ces années chez Mallinet et un peu plus tard chez Mme Desoye… et la découverte en 1860, à la Porte Chinoise, du premier album japonais connu à Paris… connu au moins du monde des littérateurs et des peintres… et les pages consacrées aux choses du Japon dans Manette Salomon, dans Idées et Sensations… ne font-ils pas de nous les premiers propagateurs de cet art… de cet art en train, sans qu’on s’en doute, de révolutionner l’optique des peuples occidentaux ?