Quand le soleil n’éclairait que les cimes de la société et laissait dans l’ombre ceux qui en portaient le fardeau, il était naturel, il était logique que la comédie oubliât de descendre dans des profondeurs jusque-là pleines de ténèbres. […] Laurent-Pichat, ou l’ombre d’André Chénier. — Une élégie du grand Corneille. […] Ce volume ressemble — en y entrant — à une jeune forêt discrètement coupée d’ombre et de soleil, et toute remplie, non d’oiseaux moqueurs qui vous sifflent ironiquement au passage, mais de charmants fantômes qui vous font signe de la main, et vous murmurent à l’oreille les plus touchantes histoires du cœur. — Des histoires qui se résolvent dans une larme, ou se condensent dans un souvenir ; mais si poignantes parfois, si attachantes toujours ! […] On croit voir, dit-il, passer l’ombre d’André Chénier à l’horizon. […] Le drame s’engage, l’intrigue, s’emmêle, la pantomime se trémousse, les lazzis éclatent, le poignard s’aiguise dans l’ombre, l’éventail joue aux lumières ; et le public est tout étonné de trouver dans cette comédie de la ligne et de la couleur l’intérêt qu’il cherchait tout à l’heure derrière la rampe.
L’idée que l’homme se survit à l’état d’ombre ou de fantôme est donc toute naturelle. […] Mais si l’on a commencé par poser en principe que l’ombre du corps demeure, rien n’empêchera d’y laisser le principe qui imprimait au corps la force d’agir. On obtiendra une ombre active, agissante, capable d’influer sur les événements humains. […] Ce n’est plus qu’une ombre ; mais la forme y est, à défaut de la matière. […] Pas l’ombre d’une peur ; simplement un plaisir extrême, avec souhaits de bienvenue.
Malade déjà, affaibli par la souffrance, assailli de pressentiments sinistres, Boris meurt, tué par une ombre : — « Il a régné comme un renard, il meurt comme un chien », disait le peuple, et le mot est resté proverbial dans l’histoire de Russie. […] Reynaud, — et de vous asseoir sur un tas de gerbes, l’œil fixé sur un ciel d’azur qu’envahissaient successivement les reflets d’or du soleil couchant, les tons grisâtres du crépuscule et l’ombre constellée de la nuit ? […] Partout, dans les villes et les solitudes, à la cour et au camp, à l’ombre des grands beffrois et dans la silencieuse obscurité des monastères, il réveille, il ranime, il ressuscite cet esprit chrétien qui est l’âme du monde entier. […] Il sut la faire sortir de cette ombre mystérieuse où la retenaient quelques initiés, pour l’exposer au grand jour, lui apprendre à parler la langue commune, et à faire servir ses découvertes au progrès de la vie publique. […] Dans ce cadre qui se rétrécit sans cesse et d’où disparaissent successivement les personnages accessoires, on saisit mieux les principales figures dont la sainte et douloureuse auréole devient chaque jour plus lumineuse au milieu de ces ombres sanglantes.