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380. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

En réponse à l’admiration, à la bienveillance enthousiaste avec laquelle nous avons accueilli ses derniers grands hommes, l’Angleterre, en particulier, découronnée comme elle l’est aujourd’hui de ses plus beaux noms littéraires, se montre d’une sévérité singulière contre la France, qui, seule pourtant, depuis la disparition des Goethe, des Schiller, des Byron et des Scott, continue d’offrir une riche succession de poètes, et une variété renaissante de talents. […] Son article, pour nous autres Français, est tout simplement… (le mot d’inintelligent rendrait faiblement ma pensée), et il offre une confusion en tout point, qui doit nous rendre très humbles et un peu sceptiques dans les jugements que nous portons des littératures auxquelles nous n’avons pas assisté, même quand nous avons les pièces en main et que nous les avons compulsées soigneusement.

381. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Le petit nombre d’hommes éclairés qu’offrait la Grèce à l’admiration du reste du monde, la difficulté des voyages ; l’ignorance où l’on était de la plupart des faits recueillis par les écrivains, la rareté de leurs manuscrits, tout contribuait à inspirer la plus vive curiosité pour les ouvrages célèbres. […] Les philosophes grecs étaient en très petit nombre, et des travaux antérieurs à leur siècle ne leur offraient point de secours ; il fallait qu’ils fussent universels dans leurs études.

382. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

On s’est trop accoutumé à penser que les hommes du peuple bornaient leur ambition à la possession des biens physiques ; on les a vus passionnément attachés à la révolution, parce qu’elle leur donnait le plaisir de connaître les affaires, d’influer sur elles, de s’occuper de leurs succès ; toutes ces passions des hommes oisifs ont été découvertes par ceux qui n’avaient connu que le besoin du travail et le prix de son salaire : mais lorsque l’établissement d’un gouvernement quelconque, fait rentrer nécessairement les trois quarts de la société dans les occupations qui chaque jour assurent la subsistance du lendemain, lorsque le bouleversement d’une révolution n’offrira plus à chaque homme la chance d’obtenir tous les biens que l’opinion et l’industrie ont entassé depuis des siècles dans un Empire de vingt-cinq millions d’hommes ; quel trésor pourra-t-on ouvrir à l’espérance, qui se proportionne, comme la foi religieuse, aux désirs de tous ceux qui veulent y puiser ? […] Enfin, un homme avait vu toutes les prospérités de la terre se réunir sur sa tête, la destinée humaine semblait s’être agrandie pour lui, et avoir emprunté quelque chose des rêves de l’imagination ; roi de vingt-cinq millions d’hommes, tous leurs moyens de bonheur étaient réunis dans ses mains pour valoir à lui seul la jouissance de les dispenser de nouveau ; né dans cette éclatante situation, son âme s’était formée pour la félicité, et le hasard qui, depuis tant de siècles, avait pris en faveur de sa race un caractère d’immutabilité, n’offrait à sa pensée aucune chance de revers, n’avait pas même exercé sa réflexion sur la possibilité de la douleur ; étranger au sentiment du remord, puisque dans sa conscience il se croyait vertueux, il n’avait éprouvé que des impressions paisibles.

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