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706. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Parfois hors des fourrés, les oreilles ouvertes, L’œil au guet, le col droit, et la rosée au flanc, Un cabri voyageur, en quelques bonds alertes, Vient boire aux cavités pleines de feuilles vertes, Les quatre pieds posés sur un caillou tremblant. […] Tu veux lire en mes yeux, — simplicité funeste ! […] Ma tendresse au bonheur ne te saurait conduire ; Même en tes yeux l’amour me sourirait trop tard. […] Là repose, écartant le voile qui lui pèse, Léda, le cœur ému, les yeux d’azur noyés. […] Son œil fauve et puissant devient aussi paisible Qu’aux jours où sur son dos Europe osa s’asseoir ; Il admire, et Léda subit sans le savoir La fascination du regard invisible.

707. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Après avoir parlé de la race née aux confins de la terre des monstres, dans la limoneuse vallée du Nil, et de l’autre race dite sémitique, habitante du désert et de l’antique Arabie, après les avoir définies l’une et l’autre, et les avoir montrées fléchissant de respect et de superstitieuse terreur, ou comme anéanties sous la main souveraine en face d’un ciel d’airain, il ajoute, par un vivant contraste, en leur opposant la race aryenne venue du haut berceau de l’Asie, et de laquelle est sortie à certain jour et s’est détachée la branche hellénique, le rameau d’or : « Une autre race encore s’éveille sur les hauteurs, aux premières lueurs du matin ; les yeux au ciel, elle suit pas à pas la marche de l’aurore, elle s’enivre de ce mobile et merveilleux spectacle du jour naissant ; elle mêle une note humaine à cette immense symphonie, un chant d’admiration, de reconnaissance et d’amour ; c’est la race pure des Aryas ; leur première langue est la poésie ; leurs premiers Dieux, les aspects changeants du jour, les formes multiples de la sainte lumière. […] L’art suprême, aujourd’hui, consisterait non à sacrifier l’une des deux critiques à l’autre, mais à savoir les combiner, s’il se peut, et, après avoir tout regardé avec l’œil de l’analyse, à réagir, à se remettre au point de vue et à retrouver l’admiration, non plus exagérée, grossie, et à tout propos, mais encore élevée et féconde. […] Mais, pour avoir raisonné d’Homère tout au long avec Wolf, l’œuvre homérique n’en demeure pas moins à nos yeux le plus admirable produit de la poésie humaine ; Théocrite, pour avoir eu des précurseurs dans son genre, et pour n’être pas un inventeur et un créateur, absolument parlant, n’en reste pas moins la plus charmante et la plus fraîche des flûtes pastorales. […] Mais qu’il se rassure ; qu’il se persuade qu’ils sont excellents, et qu’il ne lui manque que le goût et la connaissance pour les mieux apprécier ; et bientôt chaque visite nouvelle lui ouvrira les yeux de plus en plus, jusqu’à ce qu’il ait appris à les admirer, jamais autant qu’il le méritent, assez du moins pour enrichir et élargir sa propre intelligence par la compréhension de la parfaite beauté. […] C’est par les yeux, c’est par les arts encore, c’est par les débris des monuments qui ont gardé je ne sais quoi de leur fleur première et de leur éclat de nouveauté, que les Anciens, les Grecs, se sauvent le plus aisément aujourd’hui.

708. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Taschereau dans la Bibliothèque elzévirienne, travail dès l’abord fort estimable que l’auteur a de plus en plus complété et nourri, revint mettre sous les yeux toutes les pièces biographiques, précédemment ou plus récemment connues, et fournir tous les éléments pour l’étude du caractère dans un portrait futur, et qui reste à faire, du brusque et altier tragique. […] Ils pourront sauver la gloire Des yeux qui me semblent doux. […] Et puis encore une femme, parlant des yeux d’une autre femme, irait-elle dire que ces yeux lui semblent doux ? […] Ainsi sur Corneille : certes il mérite pour nous le nom de grand ; mais, lorsqu’il arrive, couronné de ce titre, aux yeux des Allemands, par exemple, lorsqu’un éminent critique, Lessing, s’attendant à trouver en lui, sur la foi de sa renommée, quelqu’un de rude, mais de sublime et de simple, vient à l’ouvrir à une page d’avance indiquée, que trouve-t-il ?

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