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1612. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Pour cela il a fallu d’abord lire et voir beaucoup, et probablement, de tant d’observations, il est resté dans l’esprit du lecteur quelque impression d’ensemble, je veux dire le sentiment vague d’une concordance mal définie entre les multitudes d’œuvres et de pensées qui ont passé sous ses yeux. […] Ces sortes d’objections qui pouvaient se faire au moyen âge ne peuvent se faire aujourd’hui dans aucune science, en histoire non plus qu’en physiologie ou en chimie, depuis que le droit de régler les croyances humaines est passé tout entier du côté de l’expérience, et que les préceptes ou doctrines, au lieu d’autoriser l’observation, reçoivent d’elle tout leur crédit. — D’ailleurs il est aisé de voir que les objections de cette espèce proviennent toutes d’une méprise, et que l’adversaire, sans s’en douter, est la dupe des mots. […] Par une méthode semblable les historiens peuvent montrer que chez un même artiste, dans une même école, dans un même siècle, dans une même race, les personnages les plus opposés de condition, de sexe, d’éducation, de caractère, présentent tous un type commun, c’est-à-dire un noyau de facultés et d’aptitudes primitives qui, diversement raccourcies, combinées, agrandies, fournissent aux innombrables diversités du groupe5. — Les naturalistes établissent que dans une espèce vivante les individus qui se développent le mieux et se reproduisent le plus sûrement sont ceux qu’une particularité de structure adapte le mieux aux circonstances ambiantes ; que dans les autres les qualités inverses produisent des effets inverses ; que le cours naturel des choses amène ainsi des éliminations incessantes et des perfectionnements graduels ; que cette préférence et cette défaveur aveugles agissent comme un triage volontaire, et qu’ainsi la nature choisit dans chaque milieu, pour leur donner l’être et l’empire, les espèces les mieux appropriées à ce milieu. — Par des observations et un raisonnement analogues, les historiens peuvent établir que dans un groupe humain quelconque les individus qui atteignent la plus haute autorité et le plus large développement sont ceux dont les aptitudes et les inclinations correspondent le mieux à celles de leur groupe ; que le milieu moral comme le milieu physique agit sur chaque individu par des excitations et des répressions continues ; qu’il fait avorter les uns et germer les autres à proportion de la concordance ou du désaccord qui se rencontre entre eux et lui ; que ce sourd travail est aussi un triage, et que, par une série de formations et de déformations imperceptibles, l’ascendant du milieu amène sur la scène de l’histoire les artistes, les philosophes, les réformateurs religieux, les politiques capables d’interpréter ou d’accomplir la pensée de leur âge et de leur race, comme il amène sur la scène de la nature les espèces d’animaux et de plantes les plus capables de s’accommoder à leur climat et à leur sol6. — On pourrait énumérer entre l’histoire naturelle et l’histoire humaine beaucoup d’autres analogies. […] C’est qu’il a trouvé sa vraie place ; cet esprit qui regorgeait de sensations et d’idées était né curieux, passionné pour l’histoire, affamé d’observations, « perçant de ses regards clandestins chaque physionomie », psychologue d’instinct, « ayant si fort imprimé en lui les différentes cabales, leurs subdivisions, leurs replis, leurs divers personnages et leurs degrés, la connaissance de leurs chemins, de leur ressorts, de leurs divers intérêts, que la méditation de plusieurs jours ne lui eût pas développé et représenté toutes ces choses plus nettement que le premier aspect de tous les visages. »« Cette promptitude des yeux à voler partout en sondant les âmes » prouve qu’il aima l’histoire pour l’histoire. […] Il y a là une observation pour le physiologiste, il y en a une pour le peintre, pour l’homme du monde, pour le psychologue, pour l’auteur dramatique, pour le premier venu.

1613. (1894) Critique de combat

Le docteur Pascal est le théoricien de l’hérédité ; il a pris sa famille, celle des Rougon-Macquart, comme champ d’observation, et il croit être arrivé à déterminer quelques-unes des lois suivant lesquelles se produit, d’une génération à l’autre, la transmission des aptitudes. […] Il demeure le robuste et glorieux représentant de l’art d’hier, mais il ne peut plus prétendre à guider l’art d’aujourd’hui et de demain ; un art qui sans doute ne renonce point à la recherche de la vérité, à l’observation précise du réel, mais qui entend n’être plus le peintre indifférent ou vaguement fraternel de la misère humaine, ne plus garder « l’attitude impersonnelle du démonstrateur » ; un art qui veut produire au grand soleil ses sympathies, ses colères, ses rêves, ses idées d’avenir ; qui veut marcher ainsi les pieds sur la terre, mais les yeux levés et fixés sur l’horizon lointain, au risque d’avoir parfois la tête dans les nuages. […] Hamon : Psychologie du militaire professionnel « Les romanciers modernes, a écrit Paul Bourget, se sont découvert un riche, un inépuisable sujet d’observation, lorsqu’ils se sont avisés qu’il existe une sensibilité particulière à chaque métier. […] Payot, avec une modestie peu commune par le temps qui court, réclame de ses lecteurs des critiques dont il puisse faire profit, cas échéant, je veux lui soumettre quelques observations.

1614. (1897) Aspects pp. -215

Cette observation est applicable dans l’ordre intellectuel et dans l’ordre moral. […] Pourtant cette définition, un peu étroite à mon sens, signifiait seulement : l’observation de la vie, qu’on l’envisage d’après des sensations, des sentiments ou des idées, est nécessaire si l’on veut donner une œuvre forte. La valeur de cette œuvre sera en proportion directe de l’art que l’écrivain aura mis à traduire son observation. […] S’étant concertés, ils dirent : « Pour mettre le comble à nos bienfaits, nous allons tirer l’horoscope de l’Enfant. » Ils se penchèrent sur le Baby, l’examinèrent, échangèrent quelques observations à voix basse, puis Gaspard prononça : « Votre fils sera pendu aux environs de sa trente-deuxième année pour avoir tenu des discours subversifs et scandalisé les Bourgeois éminents de la ville. — Mais consolez-vous : après sa mort, les hommes en feront un Bon-Dieu.

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