/ 3570
423. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Mais quand tout s’écroule et se renouvelle, quand les institutions antiques tombent en ruines et que l’état futur n’est pas , que toutes les règles de conduite et d’obéissance sont confondues, que la justice et le droit hésitent entre les cupidités, les intérêts révoltés qui courent aux armes, c’est alors que le don de sagesse est bien précieux en quelques-uns, et que les hommes qui le possèdent sont bientôt appréciés des chefs dignes de ce nom, qu’ils sont appelés, écoutés longtemps en vain et en secret, qu’ils ne se lassent jamais (ce trait est constant dans leur caractère), qu’ils attendent que l’heure du torrent et de la colère soit passée pour les événements et pour les hommes, et qu’habiles à saisir les instants, à profiter du moindre retour, ils tendent sans cesse à réparer le vaisseau de l’État, à le remettre à flot avec honneur, à le ramener au port, non sans en faire eux-mêmes une notable partie et sans y tenir une place méritée. […] Pierre Jeannin, l’une des gloires de la Bourgogne, à Autun, en 1540, d’un père tanneur qualifié citoyen et échevin de la ville, et qui, bien que sans lettres, était réputé homme de très grande vertu et de très grand sens, offre par son exemple une preuve de plus qu’avec du mérite, et tout en étant du tiers état, on s’élevait et on parvenait très haut dans l’ancienne monarchie ; même avant la Ligue, il était dans une belle voie d’honneur et de considération dans sa province. […] On devine en un mot dans ce portrait du jeune avocat un homme qui est pour persuader par la parole, pour insinuer les raisons, les déduire, les étendre, les faire prévaloir avec un mélange de force, d’adresse et de politesse, encore plus que pour pérorer et plaider. […] C’est un chef de parti qui n’était pas pour l’être : il en avait les velléités sans en avoir toute l’étoffe, vices ou vertus, il se croyait tenu de venger ses frères, et poursuivait leur œuvre un peu par devoir, par ambition, par situation, quelquefois malgré lui, le plus souvent en se laissant volontiers aller aux circonstances qui le flattaient et l’entraînaient.

424. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Elle était née bien plus tôt qu’on ne croit et que ne l’ont dit tous les biographes. […] La jeune Cordier-Delaunay naquit à Paris le 30 août 1684, et non pas en 1693, comme on l’a cru généralement. […] De là, durant le cours de cette existence dont la fleur fut si courte et si vite envolée, on voit combien les choses vinrent peu à point, et l’on comprend mieux dans ce ferme et charmant esprit, cet art d’ironie fine, ce ton d’enjouement sans gaieté qui naît de l’habitude du contre-temps. […] Pline le Jeune a coutume, dans l’éloge qu’il fait de certains écrivains, d’unir ensemble, comme se tenant étroitement entre elles, deux qualités, vis, amaritudo , cette vigueur qui naît et se trempe d’une secrète amertume  ; Mlle Delaunay (on peut citer du latin en parlant de celle qui faillit devenir Mme Dacier) possédait cette vigueur-là.

425. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Je ne sais si, comme le prétendent certains, l’homme est sujet et réclame un maître, mais, à voir ce qui se passe, on serait tenté de croire que l’homme, religieux, n’arrivera jamais à se passer d’idoles. […] * *   * à Lorient, le 4 novembre 1828, Ernest Hello, fils d’un conseiller à la Cour de cassation, semblait, avec ses longs cheveux et ses allures bizarres, sorti d’un conte fantastique d’Hoffmann. […] * *   * Stanislas de Guaita, en 1861 au château d’Alteville, dans le pays de Dieuze, était un Lorrain blond.

/ 3570