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613. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

La Revue Wagnérienne a trop de fois discuté ce redoutable problème pour qu’il soit nécessaire d’y revenir. […] Que toujours nous rêvions, nous demandions même, pour les lettrés, pour quelques curieux, une version littérale et littéraire, certes ; mais, plus que jamais, nous avons à déclarer qu’une traduction claire, facilement intelligible, une traduction vulgarisatrice, est nécessaire à la propagation de l’œuvre. […] Etant en commerce d’amitié constant avec le comité allemand dont elle s’honore de servir les intérêts, la bonne Revue wagnérienne franco-germanique (on s’abonne à Paris et aussi à Bayreuth, Opernstrasse, n°178) vous donnera toutes les Indications nécessaires concernant non seulement les représentations, mais sur le voyage, la nourriture, le logement, etc., et vous servira d’intermédiaire en conscience. — Célérité et discrétion. […] Cette fusion intime entre le poème et la musique, ou pour mieux dire, cette simultanéité de conception impliquant une seule pensée créatrice et la double faculté musicale et poétique dans un même cerveau, est un des points auxquels Wagner s’attache le plus, avec raison. « L’exécution musicale de Tristan dit-il, n’offre plus une seule répétition de mots, la mélodie est déjà construite poétiquement. » La forme musicale se trouvant ainsi figurée d’avance dans le poème et lui donnant une valeur particulière qui répond exactement au but poétique, il reste à savoir si l’invention mélodique n’y perd rien de la liberté d’allures nécessaire à son développement.

614. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Et surtout il a donné droit de cité dans la langue poétique à une foule d’idées que l’on ne pouvait jusqu’alors traduire que par des périphrases, il a introduit de gré ou de force des mots légitimes et nécessaires, dont la proscription injuste obscurcissait le style et l’énervait. […] Pour le bien comprendre, il est utile, presque nécessaire, d’avoir le texte latin ouvert à côté ; l’éclat poétique s’éteint dans l’excessive condensation du style ; l’élan, le mouvement du poète latin s’embarrasse dans la rime, qui l’arrête ou le brise. […] La Nature n’est pas soumise aux lois de notre conscience, et la Divinité, si elle existe, laisse faire à la Nature son œuvre nécessaire ; le large plan qui se développe à travers l’infini de l’espace, du temps et du nombre, ne peut se laisser troubler par les incidents misérables de nos plaintes et de nos gémissements. […] Car l’ordre nécessaire, ou le plaisir divin, Fait d’un même sépulcre un même réfectoire À d’innombrables corps, sans relâche et sans fin.

615. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Mais quand cette théorie métaphysique serait impossible, au moins, il est vrai, que plus l’on travaille à calmer les sentiments impétueux qui agitent l’homme au-dedans de lui, moins la liberté publique a besoin d’être modifiée ; ce sont toujours les passions qui forcent à sacrifier de l’indépendance pour assurer l’ordre, et tous les moyens qui tendent à rendre l’empire à la raison, diminuent le nombre nécessaire des sacrifices de liberté. — J’ai à peine commencé la seconde partie politique, dont je ne puis donner une idée par ce peu de mots. […] L’organisation de la puissance publique, qui excite ou comprime l’ambition, rend telle ou telle religion plus ou moins nécessaire, tel ou tel code pénal trop indulgent ou trop sévère, telle étendue de pays dangereuse ou convenable ; enfin c’est de la manière dont les peuples conçoivent l’ordre social, que dépend le destin de la race humaine sous tous les rapports. […] Tout ce qu’il faut de mouvement à la vie sociale, tout l’élan nécessaire à la vertu existerait sans ce mobile destructeur : mais, dira-t-on, c’est à diriger les passions et non à les vaincre, qu’il faut consacrer ses efforts ; je n’entends pas comment on dirige ce qui n’existe qu’en dominant : il n’y a que deux états pour l’homme, ou il est certain d’être le maître au-dedans de lui, et alors il n’a point de passions ; ou il sent qu’il règne en lui-même une puissance plus forte que lui, et alors il dépend entièrement d’elle.

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