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801. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Il n’est jamais plus heureux que lorsqu’il entend et qu’il peut emprunter d’un artisan ou d’un laboureur un de ces mots qui en valent dix. […] — Maintenant que vous connaissez la muse, en deux mots connaissez l’homme : J’aime la gloire, mais jamais les succès d’autrui ne sont venus troubler mon sommeil. […] C’est alors qu’un oncle bienfaisant a deviné sa peine, et qu’il lui dit à son chevet un mot qui la réveille et qui lui rend la santé. […] En débutant dans son patois d’Agen, il trouva une langue harmonieuse encore, mais très atteinte par les invasions françaises, qui y avaient importé des tours et des mots contraires au génie primitif. […] Il y introduit discrètement des mots pittoresques de son invention, des diminutifs, de vieux mots rafraîchis, mille alliances et mille grâces dont autrefois nous-mêmes nous n’étions pas absolument dépourvus dans le français d’Amyot et de Montaigne, mais que la régularité classique nous a retranchées.

802. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Par ce mot d’intelligible, il ne faut pas entendre le compréhensible, ni même une chose vraiment saisissable à l’intelligence par quelque moyen que ce soit : c’est, au contraire, ce qui dépasse l’intelligence proprement dite, ce qui est en dehors d’elle et de ses formes. […] L’usage de cette idée est donc, selon le mot de Kant, régulateur, c’est-à-dire qu’elle dirige l’entendement vers un certain but, où convergent les lignes qu’il suit. […] Or, il est clair que le mouvement et la matière, objets particuliers d’expérience, en un mot de sensation et de représentation, ont en eux-mêmes quelque chose d’emprunté à notre sensation et à notre représentation. […] Aussi les réalistes sont-ils obligés de donner au mot de choses un autre sens, et de désigner par là des choses en dehors de notre expérience, inaccessibles à notre conscience et à notre représentation. […] En somme, le réalisme matérialiste joue sur le sens du mot choses, en désignant comme causes de l’expérience tantôt des choses d’expérience et tantôt des choses en dehors de l’expérience.

803. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

.), en un mot, tous les sentiments sociaux. […] Le mot ne peut rien sans l’idée, pas plus que le diamant le mieux taillé ne peut briller dans une obscurité complète sans un rayon de lumière reflété par ses facettes ; l’idée est la lumière du mot. […] Le charme des récits populaires vient peut-être de ce que les humbles nous y sont montrés simples et presque inconscients dans leur héroïsme ou dans leur dévouement, comme dans leur vie de chaque jour, spontanés en un mot, et sincères. […] Ajoutons que le signe d’un sentiment spontané et intense, c’est un langage simple ; l’émotion la plus vive est celle qui se traduit par le geste le plus voisin du réflexe et par le mot le plus voisin du cri, celui qu’on retrouve à peu près dans toutes les langues humaines. C’est pour cela que le sens le plus profond appartient en poésie au mot le plus simple ; mais cette simplicité du langage ému n’empêche nullement la richesse et la complexité infinie de la pensée qui s’y condense.

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