Sur une lecture qu’il fit à Bossuet d’un écrit composé par lui, Le Dieu, et où il commentait l’un des actes de l’assemblée du Clergé de 1700, il dira : « Il (M. de Meaux) y a remarqué quelques expressions de son style, qu’il dit qu’il faut déguiser ; il a approuvé tous les endroits de doctrine ; … il a gobé tous les éloges que je lui donne, sans parler d’en retrancher le moindre mot ; il veut, au contraire, que je diminue celui de M. […] D’ailleurs pas un mot de regret, d’affection sentie, d’admiration ni de culte pieux pour le grand homme dont il passait pour être l’Élisée. […] Les plus distingués d’entre les prêtres se pressent à la porte de ce cabinet pour se faire voir, et quand le cardinal conduit quelqu’un, ils profitent de cette occasion pour dire leur petit mot et recevoir quelque sèche réponse. […] Ennuyé de perdre là mon temps à voir faire des grimaces, je profitai du moment qu’il regarda de mon côté, qui était celui de la porte : je m’avançai, lui mis le livre en main en lui faisant un court compliment ; à quoi, sans me dire un seul petit mot de M. de Meaux, il me répondit par cette dureté : « Vous m’avez bien pressé », o pour me reprocher mes paroles de ma précédente visite, où certainement je n’avais pas tort de lui avoir dit que les imprimeurs pressaient, parce que le livre était demandé et attendu avec impatience par le public… Je me retirai sans répliquer, bien résolu de ne paraître jamais, si je puis, à ce spectacle. […] Aussi est-il d’une maigreur extrême, le visage clair et net, mais sans couleur, disant lui-même : « On ne peut être plus maigre que je le suis. » Dans les conversations qui suivent, Le Dieu a soin de remarquer que l’archevêque se garde bien de dire jamais un seul mot au sujet de Bossuet, ni en bonne ni en mauvaise part, et, lors même que Le Dieu est interrogé par lui sur les circonstances de la mort de M. de Meaux, Fénelon, qui demande nommément quel prêtre l’a exhorté à ses moments suprêmes, n’y joint pas pour le défunt le moindre petit mot de louange.
Mirabeau croit faire merveilles que d’écrire au bas de cette lettre, pour que Vauvenargues la montre aux amis, la réponse qu’il y a faite et qui consiste en ces seuls mots : Mademoiselle, J’ai l’honneur d’être avec un très profond respect, mademoiselle, Votre très humble et très obéissant serviteur. […] Mais, encore un mot de vous : vous enfouissez, si vous ne travaillez, les plus grands talents du monde ! […] Toutefois, sur cette protestation de son peu d’étude et de lecture, Mirabeau n’est pas dupe et n’est crédule qu’à demi : « Vous ne lisez point, me dites-vous, et vous me citez tous les mots remarquables de nos maîtres ; cela me rappelle Montaigne qui soutient partout qu’il craint d’oublier son nom tant il a peu de mémoire, et nous cite dans son livre toutes les sentences des anciens. » — S’il convie son ami à s’ouvrir à lui, il lui donne largement l’exemple et ne se fait pas faute de se déclarer. […] En un mot, la façon de penser générale m’a toujours paru l’écueil de la vertu : dès que l’on a eu assez de désagréments pour se plaindre, l’on doit en avoir assez pour éclater de la façon la plus vive, voilà mon sentiment ; l’on dit que j’ai tort ; cela peut être, mais je l’aurai longtemps… Adieu, mon cher Vauvenargues. […] Est-il besoin de remarquer qu’il suffirait d’un mot lâché par lui sur sa plaie secrète, sur ce qui l’empêche d’aller à Paris, pour que Mirabeau, qui sans doute ne demanderait pas mieux et qui semble provoquer la confidence, lui offrît sa bourse ?
Il fallait, à l’exemple de Montesquieu, considérer les révolutions qui sont arrivées dans les mœurs, dans la politique, dans la religion et dans les arts, en établir la réalité, en chercher les causes, en marquer les moments, en un mot, peindre les hommes comme vous l’aviez promis, et non peindre quelques hommes, comme vous l’avez fait. […] Je suis aussi hasardeux qu’un autre dans un projet de bataille… » Et tout ce qui suit ; il n’y en a pas un mot chez Frédéric. « Mais nos Parisiens aimeront cela », se dit La Beaumelle. […] La Beaumelle, en arrangeant et sophistiquant au courant de la plume les textes qu’il édite, suit sa vocation comme le menteur de Corneille, en ne disant pas un mot de vérité. […] De même qu’on dit un Varillas, pour exprimer d’un mot l’historien décrié à qui l’on ne peut se fier, de même on continuera plus que jamais de dire un La Beaumelle pour exprimer l’éditeur infidèle par excellence. […] Consolons-nous ensemble, mon cher président, et souvenez-vous de ce mot de Marc Aurèle, qui devrait être gravé en lettres d’or sur la porte de tous les philosophes : « C’est contre ceux qui t’offensent et contre les méchants que tu dois exercer ta clémence, et non pas contre les honnêtes gens qui ne t’outragent pas.