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448. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Mais quand ils seraient quarante, la « personne civile et morale » — combien civile, morale et même puérile !  […] Vertueuse et morale, l’Académie distribue des prix, et incite aux compétitions, non de talents, mais d’intrigues. […] Ni Baudelaire, ni Flaubert, ni Barbey d’Aurevilly, ni Verlaine, pas plus aujourd’hui qu’hier n’auraient chance d’être admis par la douairière qui ne peut vraiment goûter l’indépendance irréductible de la pensée, l’originalité exceptionnelle du style, la verve immodérée et la libre allure morale dans les marges sociales.

449. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Édouard Fournier, qui s’est fait sceptique par amour de la vérité, non de la vérité morale, de la grande vérité d’ensemble et d’effet, mais de la petite vérité matérielle, incertaine et pharisaïque, Édouard Fournier n’a pas même le scepticisme courageux. […] III Et d’ailleurs, dans le livre de Fournier, j’ai cherché vainement les scandales non prouvés, les crimes sans authenticité dont il se vante, c’est-à-dire, en définitive, les grandes choses qui changent l’aspect des annales du monde et importent à la morale des nations parce que ces mensonges-là sont des oppressions et des injustices, et à cela près de deux ou trois faits remis sur la pierre du lavoir et sous le battoir, comme, par exemple, l’arquebusade de Charles IX, par cette fenêtre équivoque, le jour de la Saint-Barthélemy, — ce qui ne blanchit pas beaucoup, du reste, la mémoire tachée de sang de cet insensé du fait de sa mère, — je ne vois guères que des faits de très peu d’importance et je comprends mieux le sous-titre de ce livre de l’Esprit dans l’histoire : L’Esprit dans l’histoire, ou recherches et curiosités sur les mots historiques. […] Au point de vue absolu de l’histoire et de sa vérité morale, comme au point de vue de son autorité et de son influence sur les imaginations et sur les cœurs, un livre pareil, nous n’hésitons pas à dire le mot, est détestable.

450. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Il veut la supériorité absolue de la femme : — sa supériorité morale, entendons-nous ! […] Alexandre Weill rejette avec beaucoup de mépris, et je l’en estime, la morale folle ou perverse des romans du temps, qui prêchent philosophiquement ou poétisent l’adultère ; mais il croit — Weill, que nous appellerons désormais Candide et non plus Alexandre ! […] Faux en métaphysique, si on peut dire qu’il y ait de la métaphysique dans ces bigarrures de philosophie sans étoffe ; — faux en morale, puisqu’il la fait naturelle ; — et faux en conception du rôle social de la femme, qui n’est plus qu’un rôle physiologique, car l’idéal est imposé par la nature au nom des lois physiologiques, lesquelles, pour Weill, doivent comprendre toutes les espèces de lois, il est faux encore, le plus souvent, par le style romanesco-philosophique, et, par-dessus tout cela, il n’est pas amusant !

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