Le dedans, c’est vanité, cupidité, sensualité, scepticisme moral et absolu égoïsme. […] Deux ouvrages d’éducation, écrits à vingt ans de distance, le livre que le chevalier de la Tour Landry adressait à ses filles (1372) et le Ménagier de Paris, qu’un bourgeois déjà mûr dédiait à sa jeune femme (1302) nous font mesurer la différence des deux classes, la frivolité, l’ignorance, l’amoindrissement du sens moral chez l’excellent et bien intentionné seigneur : chez le bourgeois, le sérieux de l’esprit, la dignité des mœurs, la réflexion déjà mûre, la culture déjà développée, enfin la gravité tendre des affections domestiques, l’élargissement de l’âme au-delà de l’égoïsme personnel et familial par la justice et la pitié. […] Il semble que la moralité sombre, et si l’honnêteté bourgeoise, si la philosophie chrétienne ou antique la maintiennent encore dans quelques parties du xive siècle, le siècle suivant touchera le fond du nihilisme moral. […] Les adjectifs qui n’ont pas de forme spéciale pour le féminin sont en train d’en acquérir une : mais l’ancien usage subsiste à côté du nouveau, et Oresme dit avec assez d’incohérence : « science moral » et « vertus morales ». […] Si vous voulez des interprétations morales de l’Écriture, les voici toutes, par ordre alphabétique, dans le Répertoire des deux Testaments, de Pierre Bersuire.
Ainsi sauf dans deux ou trois pièces où il semble se défier de ses rêves et les railler les drames d’Ibsen sont des crises de conscience, des histoires de révolte et d’affranchissement, ou d’essais d’affranchissement moral. […] Oui, on nous a déjà dit que le mariage est une institution oppressive, s’il n’est pas l’union de deux volontés libres et si la femme n’y est pas traitée comme un être moral. […] Ce significatif roman est plein des plus délirants cris d’orgueil intellectuel et moral qu’on ait jamais poussés Et la Dame de la mer, c’est Jacques, sauf le dénouement. […] Mais n’avons-nous donc point chez nous de ces romans conformes à la complexité des choses, où l’entre-croisement des faits moraux ou matériels correspond à celui de la réalité et qui contiennent en quelque façon toute la vie ? […] Les personnages supérieurs, chez Sand et Hugo, songent plus au bonheur de l’humanité qu’à leur propre perfectionnement moral.
Rien n’égale, en province surtout, la nullité de la vie bourgeoise, et je ne vois jamais sans tristesse et sans une sorte d’effroi l’affaiblissement physique et moral de la génération qui s’élève ; et pourtant ce sont les petits-fils des héros de la grande épopée ! […] Or la beauté dans l’ordre moral, c’est la religion. […] Mais n’allez pas, abusant d’une définition de mots, prétendre que l’humanité a cru à tel ou tel Dieu, au Dieu moral et personnel, formé par l’analogie anthropomorphique. […] On ne le voit que par certains dehors imposants, on ne considère que ce qu’il a dans ses dogmes d’élevé et de moral, on n’entre pas dans les broussailles ; il y a plus, on rejette bravement ou on explique complaisamment ceux de ses dogmes qui contredisent trop ouvertement l’esprit moderne. […] De là l’immense disproportion qui peut, à certaines époques, exister entre la religion et l’état moral, social et politique.