La pompe, l’appareil dans lequel le jeune roi se montrait, cette grandeur empreinte sur toute sa personne, manifestaient en lui cette passion de gloire, ce besoin de respect et d’admiration qu’il est si agréable aux Français de satisfaire dans leur prince. […] Se montrer pieuse et attachée à ses devoirs de religion n’était point un calcul d’ambition, la une hypocrisie. […] Le 11e entretien de madame de Maintenon nous apprend que pour cacher l’existence des premiers enfants qui lui furent confiés, on les plaça avec leur nourrice, chacun séparément, dans une petite maison hors de Paris ; elle n’allait les y voir qu’à la dérobée ; elle profitait de tous les moments dont elle pouvait disposer pour se montrer dans sa société, afin que la curiosité ne cherchât pas l’emploi du temps qu’elle aurait dérobé à ses amis.
Parmi les auteurs célèbres de notre langue, tous pourtant ne sont pas propres indifféremment à nous rendre l’impression et à nous montrer l’image de cette parfaite netteté. […] Quelques femmes distinguées, avec ce tact qu’elles tiennent de la nature, n’avaient pas non plus attendu La Bruyère pour montrer leur vive et inimitable justesse dans les genres familiers. […] C’est la manière de le montrer qui en fait tout le charme.
Si c’est se montrer l’ennemi des gens de lettres, que de leur parler avec intérêt des peines de leur était, ceux qui prendraient si légèrement l’alarme pour nous accuser, pourraient faire le procès, sans le savoir, à leurs meilleurs amis. […] Mais si on avait, comme je le suppose, un désir sincère de les convertir en les effrayant, on pouvait, ce me semble, faire agir un intérêt plus puissant et plus sûr, celui de leur vanité et de leur amour-propre ; les représenter courant sans cesse après des chimères ou des chagrins ; leur montrer d’une part le néant des connaissances humaines, la futilité de quelques-unes, l’incertitude de presque toutes ; de l’autre, la haine et l’envie poursuivant jusqu’au tombeau les écrivains célèbres, honorés après leur mort comme les premiers des hommes, et traités comme les derniers pendant leur vie ; Homère et Milton, pauvres et malheureux ; Aristote et Descartes, fuyant la persécution ; le Tasse, mourant sans avoir joui de sa gloire ; Corneille, dégoûté du théâtre, et n’y rentrant que pour s’y traîner avec de nouveaux dégoûts ; Racine, désespéré par ses critiques ; Quinault, victime de la satire ; tous enfin se reprochant d’avoir perdu leur repos pour courir après la renommée. […] Ayant ainsi appris à mes dépens qu’il ne faut montrer aux hommes, ni la vérité historique qui les blesse, ni la vérité philosophique qui les révolte, mais des vérités froides et palpables, qui ne donnent prise ni à la calomnie ni à la satire, je me suis jeté dans les sciences exactes, et j’ai fait enfin un livre dont on a dit du bien, mais qui n’a été lu de personne.