Ou, si vous voulez, c’était de la philosophie mise en menuet sur les airs de M. de Benserade. […] Aussi l’amour, dans ces lettres, est traité par addition et soustraction ; il y met, on vient de le voir, des quittances, des actes ; à un endroit il tient compte aussi des non-valeurs. — Mais à quoi bon remarquer ces défauts ? […] Il n’avait jamais pleuré, continue Mme Geoffrin ; il ne s’était jamais mis en colère ; il n’avait jamais couru ; et, comme il ne faisait rien par sentiment, il ne prenait point les impressions des autres. […] Tous les savants se mirent à disserter, à disputer sur cette dent d’or ; on en écrivit deux ou trois histoires. […] Dans les deux préfaces qu’il a mises à l’Histoire de l’Académie des sciences (l’Histoire de 1699 et celle de 1666), il a atteint à une véritable perfection, encore agréable et presque sévère.
Ce gros amoureux, appelé sir Marmaduke, avait formé un projet des plus galants : « C’est dans quinze jours les courses d’Ipswich, écrivait miss Marianne à Lauzun ; il a fait faire une coupe d’or plus lourde que moi, qui sera gagnée par un cheval qui lui a coûté deux mille louis. » Il ne demandait que la faveur de mettre la coupe d’or aux pieds de sa belle. […] On lui donna la coupe ; il la porta à miss Marianne en y mettant un petit billet tout préparé à l’avance, qui disait : « Sir Marmaduke étant arrivé un instant trop tard, permettez-moi de suivre ses intentions et de mettre la coupe à vos pieds. » Miss Marianne reconnaissait l’écriture de Lauzun et disait : « Il est charmant ! […] Le chevalier de Luxembourg, qui l’avait précédé comme favori, était déjà mis de côté, et le duc de Coigny, qui allait succéder, ne faisait que de poindre. […] Les ennemis nombreux qu’il avait en cour, la petite coterie Polignac particulièrement, cette société intime de la reine, résolut une bonne fois de le perdre ; et pour cela on n’eut qu’à mettre en jeu avec un certain art, avec un certain concert, la foule de ses créanciers, car cette vie de chevaux, de courses, de paris à l’anglaise, de voyages et de train magnifique en tous pays, n’avait pu se mener sans de ruineuses profusions. […] Mais ici on a droit d’interrompre la personne du monde qui juge de la sorte si à la légère, et de lui dire : « Non, madame, il n’est au pouvoir d’aucun homme, si élevé qu’il soit par son nom et son influence, de récuser ainsi et de mettre à néant d’un trait de plume des indiscrétions, fussent-elles scandaleuses et préjudiciables à tout un ordre de la société.
Jasmin, en s’élevant à ce genre de compositions nouvelles, suivait encore son naturel sans doute, mais il s’était mis à le diriger, à le perfectionner ; cet homme, qui avait lu peu de livres, avait médité en lisant à celui du cœur et de la nature, et il entrait dans la voie de l’art véritable, où un travail secret et persévérant préside à ce qui paraîtra le plus éloquemment facile et le plus heureusement trouvé. […] Ainsi, voilà Jasmin mis en demeure d’improviser et pris par le point d’honneur. […] Dans le péril où vous voulez mettre ma muse, je dois vous avouer, en toute humilité, qu’elle est assez naïve pour s’être éprise du faire antique au point de ne pouvoir m’accorder que deux ou trois vers par jour. […] elle est mise en cantinière. […] Au moment de se mettre à table, l’archevêque de Reims (M. le cardinal Gousset), le consécrateur de l’église rebâtie, dit à Jasmin : Poète, on nous a parlé de votre pièce sur la circonstance ; nous serons heureux si vous voulez nous la confier ce soir, avant de partir, à quelques-uns. — À quelques-uns, monseigneur !